Un homme d’une soixantaine d’années jette un œil sur la table drapée de rouge. J’en profite :
– Bonjour, vous souhaitez signer pour la 6ème République ?
– Je ne fais pas de politique, me répond-il.
– Pourtant, je suis sûr que comme nous, vous êtes confrontés aux problèmes des logements trop chers ou de l’emploi ?
ça lui parle. Je poursuis :
– Par exemple, est-ce que vous trouvez normal que le gouvernement donne 40 milliards d’euros au Medef alors qu’avec cet argent, on pourrait faire une vraie politique de formation pour les jeunes ou des départs à la retraite à 60 ans ? Tout ça, c’est politique !
Il acquiesce, réfléchit encore et signe la pétition. Ce samedi, nous avions effectivement décidé de relancer notre initiative de mur citoyen au marché des Halles de La Paillade. Le concept ? Que les habitant-es se réapproprient la parole en écrivant eux-mêmes ce qu’ils souhaiteraient dans le cadre d’une 6ème République.
A La Paillade comme ailleurs, nous ne sommes plus habitués à prendre cette parole publique. Pourtant, quand on libère un espace et qu’on laisse des outils, les gens s’en saisissent et les débats naissent là, à l’entrée d’un marché. C’est l’étape essentielle à l’élaboration des futurs ateliers constituants. Si la désillusion politique est prégnante dans la société, la conscience politique est bien présente en chacun de nous. On le constate tous les jours : nous n’en pouvons plus de cette 5ème République monarchique où le Roi-Président décide tout seul, par exemple, de partir en guerre, fidèle toutou états-unien de l’Otan. L’Assemblée nationale où se retrouvent les légitimes représentants du peuple est totalement méprisée.
Et ce système est tellement vicieux et vicié que, pour faire passer leur politique anti-sociale, les Ministres se rappellent aux députés de la majorité pour leur intimer l’ordre de voter dans leur sens. La tambouille indigeste est purement politicarde : « vote notre projet de loi ou tu n’auras pas l’investiture du parti à la prochaine élection ». C’est ainsi que ça se passe comme me l’expliquait il y a quelques mois un militant socialiste de la gauche du PS. Là aussi, le peuple est relégué au rôle de simple votant et pas d’acteur politique majeur. Il faut donc en finir au plus vite avec cette 5ème République moribonde qui transforme les représentants du peuple en barons locaux du système féodal.
Une mort citoyenne
Et, dans ce système, quand la mobilisation citoyenne s’organise pour des causes justes comme celles contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique ou le barrage de Sivens dans le Tarn, Valls et consorts envoient les forces de l’ordre. Le résultat ? Comme à chaque fois que la répression frappe, les militants tombent. Ainsi, le week-end dernier, Rémi Fraisse, un jeune homme de vingt-et-un ans est décédé suite aux affrontements avec les forces de l’ordre. Rémi Fraisse n’avait rien d’un électron libre acharné et violent. Il aimait la nature et, comme beaucoup, la conscience citoyenne chevillée au corps, il s’est opposé à ce grand projet inutile et écolo-mortifère.
La réponse du pouvoir à son décès ? Le mépris ! Quand ce Monsieur Carcenac, Président PS du Tarn, ose dire que « mourir pour des idées, c’est stupide ». Mais qui l’a tué ? Et quel bel hommage ce socialiste de pacotille rend-il à l’esprit de Résistance héritée des années 40 et dont la flamme brûle dans le cœur de chaque militant-e progressiste de ce pays. Chez Monsieur Carcenac, il semble bien que cette lueur s’est éteinte depuis longtemps. Comble de l’actualité, dans les mêmes jours, le gotha politico-économique rendait hommage au patron d’industrie Christophe de Margerie. Un oligarque ça meurt d’un accident de jet privé. Un militant, d’un accident de jet de grenade. La lutte des classes jusque dans la mort…
Quand la voix du peuple est ainsi méprisée et les citoyens aussi durement réprimés, pouvons-nous dire que nous vivons dans un Etat de droit ? « Contester et mourir… conséquence du refus de la confrontation démocratique », écrit la Ligue des Droits de l’Homme après ce tragique événement. C’est effectivement à ce niveau que se situe le débat. L’autisme et la violence des puissants se sont sauvagement rappelés à nous.
La politique du cercle
Dans ce contexte, la 6ème République devient une nécessité ! Et pour y arriver, il faut revoir en profondeur, non seulement, les institutions mais aussi l’organisation interne des partis politiques. Pour les institutions, c’est assez simple : 6ème République, ateliers constituants aux quatre coins du pays, assemblée constituante puis nouvelle constitution. Pour l’organisation interne des partis politiques, c’est plus compliqué. Comme toute organisation humaine, chacun-e arrive avec son bagage où sont rangés pêle-mêle son vécu militant, son rapport aux autres, à la hiérarchie, son égo, etc. Un parti c’est un concentré de société où les engagements sont divers et variés même si les grandes idées sont communes. Et comme les syndicats, les partis se retrouvent à une période charnière où les pratiques et les objectifs devront s’ajuster.
Un parallèle peut être fait avec les Fab Lab. Dans ces « laboratoires de fabrication », les idées politiques sont les technologies. Le concept des Fab Lab trouve son origine au Massachusets Institute Technology (MIT) aux États-Unis. L’objectif est, au moment du tout numérique, de matérialiser toutes ces données informatiques. Ainsi, dans ces laboratoires, on retrouve les désormais célèbres imprimantes 3D mais aussi, la découpe laser et toutes ces machines outils pilotées par ordinateur. Le Fab Lab met à disposition du plus grand nombre les technologies avancées et surtout le savoir qui va avec.
A Montpellier, c’est l’association Lab Sud qui anime le Fab Lab dans le quartier du millénaire. Et à passer quelques heures au milieu des ces machines et des ces femmes et hommes passionnés, on comprend très vite que le partage des savoirs est le cœur de l’activité. « Partager et étendre le cercle, c’est très important pour nous ! », m’explique Pascal, vice-président de Lab Sud. Pour lui, « l’idée est aussi de fabriquer des producteurs d’informations. On est en plein dans l’éducation populaire ! » La transmission du savoir pour que le cercle s’élargisse où tout le monde se trouve au même niveau. Dans cette éducation populaire 2.0, il n’y a pas d’un côté des sachants méprisants gorgés de certitudes et de l’autre les ingénus et les naïfs à qui l’on apprend et qui ont intérêt à bien faire leurs devoirs sans sortir du cadre rigide.
En politique, cette vision du cercle qui s’étend est portée par Podemos en Espagne qui a su très bien intégrer la révolution de ces dernières années : les réseaux sociaux et les plates-formes en ligne. Les Espagnols ont poussé le concept si loin que les consultations programmatiques se passent sur le web où chacun-e apporte sa contribution ! Toutes et tous sont moteurs de proposition. Une révolution pour une génération de sachants !
Mais attention, ce n’est pas un conflit de générations qui se joue là ! Ainsi, le socialiste montpelliérain Claude Neuschwander, quatre-vingts ans au compteur, ancien patron des Lip, est très clair sur le sujet. A l’occasion de la sortie de son dernier livre « La gauche, sans le PS ? », il explique ainsi dans Midi Libre, la démarche qu’il engage : « Son idée ? Créer un réseau social de militants », explique le journal local avant de citer la méthode expliquée par Neuschwander lui-même : « s’appuyer sur Internet pour mieux contrer les militants de carrière qui gangrènent le souffle démocratique au sein des partis. »
6ème République, partis politiques, même combat : pour un Fab Lab politique où les femmes et les hommes prennent le pas sur la rigidité de l’organisation. Chez nous, on appelle ça la révolution citoyenne.
excellent, 100 % daccord
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Dans le même registre, pourquoi pas une e-constituante plutôt qu’une assemblée constituante ?
ça réglerait le débat acharné : vote/ tirage au sort/ mélange des 2 ?
Et ce serait plus démocratique encore.
http://www.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.e-constituante.com%2F&h=PAQGCGHyu
C’est en construction apparemment.
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