« On va en mairie consulter les document de l’enquête publique sur la nouvelle gare ? » Franck, un camarade, a eu le nez fin il y a plus d’un mois maintenant. A quatre, nous sommes allés à la mairie de Montpellier pour jeter un œil sur ces documents. Un bureau isolé nous attend où une dame nous accueille. Elle n’a pas l’air d’avoir beaucoup de visite. Un écran emboîté dans un smartphone géant trône à l’entrée, des classeurs sont étalés sur la table et un cahier de doléances est prêt à recueillir nos avis. Ici commence notre travail qui, quelques temps plus tard, fera la Une des médias sur le thème de « la gare sous-marine ».
Montpellier a aussi son grand projet inutile qui, on peut le déplorer, ne mobilise pas les foules. Alors que la gare actuelle vient d’être rénovée de fond en comble et qu’elle est loin d’être saturée, une seconde gare TGV est prévue sur les terrains de La Mogère, excentrés du centre-ville. La gare s’inscrit dans un projet plus large du nouveau quartier OZ qui, malgré quelques logements, fera surtout office de quartier d’affaires. La mairie et l’agglomération de Montpellier prennent les choses à l’envers : elles appliquent la politique de l’offre au lieu de partir des besoins locaux. Pourtant, les terrains de La Mogère pourraient avoir une toute autre destinée qui profiteraient au plus grand nombre. Nous y reviendrons.
Inondations : alerte rouge !
Dans le cadre du projet actuel dont le commissaire enquêteur vient de donner son feu vert, seuls les promoteurs immobiliers et les rentiers de la pierre ont à y gagner. C’est un classique à Montpellier, cette race-là de parasites sociaux se gavent largement sur le dos des habitant-es. Cette seconde gare est pourtant critique à plusieurs égards. D’après les documents officiels de l’enquête publique émanant de Réseau Ferré de France (RFF) cette « Gare Sud de France » va sortir de terre en pleine zone inondable !
Les documents sont clairs sur le sujet. Ainsi, la gare sera implantée sur le Nègue-Cats, cours d’eau du bassin versant du Lez. La spécificté de cette zone est qu’elle est soumise à de fortes précipitations orageuses engendrant des crues importantes. Le Plan de Prévention du Risque d’Inondation (PPRI) classe même ce secteur en zone rouge. La spécificité de la zone rouge est qu’il est interdit de construire. Seuls les « équipements d’intérêt général, notamment les infrastructures linéaires » sont admis. La gare entre dans cette case mais est-elle d’intérêt général ? Nous l’avons vu plus haut : non !
Et ce n’est pas fini car la zone d’implantation cumule d’autres facteurs d’inondation. Ainsi, la gare se situera sur une nappe phréatique affleurante, nappe qui a une « sensibilité très élevée » aux inondations, explique le Ministère de l’Ecologie. Pour finir, elle se retrouve coincée dans une zone déjà fortement bétonnée. D’amont en aval du Nègue-Cats, on retrouve pêle-mêle Odysseum, le DisneyLand du commerce, l’autoroute A9, le doublement de l’A9 (!!!) et le projet de ligne à grande vitesse (LGV). En septembre dernier, toutes ces belles infrastructures ont été inondées suite aux fortes pluies. On peut parier que la « gare Sud de France » qui se trouvera en aval aura aussi les rails dans l’eau. 142 millions d’euros, c’est tout de même cher pour une gare sous-marine !
Biodiversité versus spéculation
Ce beau projet inutile n’arrête pas là ses dégâts ! La biodiversité va aussi morfler. Les terrains de La Mogère sont effectivement un ensemble de terres agricoles. Et quand on regarde la carte du secteur, on remarque qu’ils représentent un véritable havre de paix pour la flore et les espèces animales (chauves souris, oiseaux, amphibiens, insectes). Espèces animales dont beaucoup sont sous protection nationale et européenne ou faisant partie du patrimoine régional. Pour toutes ces bestioles, le Nègue-Cats est leur bassin nourricier : elles s’y alimentent, s’y reproduisent et hivernent. Mais de cela, le commissaire enquêteur n’en a cure et est prêt à lâcher les bulldozers.
On y revient : la politique de l’offre ou de la demande ? Nos politiques au pouvoir n’ont qu’un logiciel, celui de l’offre. Pourtant La Mogère peut être un formidable lieu où l’on pourrait démontrer les bienfaits de la politique de la demande. Face au grignotage de la bétonnisation, un des enjeux autour de Montpellier est de maintenir la ceinture verte de la ville. Ces terres pourraient ainsi être utilisées pour une activité d’agriculture raisonnée et biologique au lieu d’être converties en terrains où s’épanouira la spéculation.
Un tel projet écosocialiste deviendrait alors un vrai volant d’entraînement pour l’économie locale. Au lieu de détruire, on réconcilie du même coup environnement, cadre de vie et économie. Et pour en arriver là, il faut d’urgence changer de logiciel !
J’observe que, même en dehors du problème de la zone inondable, créer une gare TGV sans possibilité de correspondance avec le reste du réseau est vraiment une connerie de gens qui ne prennent jamais le train. Au pire, cette gare aurait pu être construite davantage vers Baillargues, d’où une rame TER aurait pu partir pour faire la correspondance avec la gare de Montpellier.
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