A l’occasion du deuxième tour des élections municipales de mars 2014 « les clés de la ville » de Montpellier ont changé de mains. Philippe Saurel, dissident du Parti socialiste, a effectivement repris le bail d’Hélène Mandroux (PS). Menant une campagne sur le thème de la « liste citoyenne » opposée à « Solférino » qui « n’est pas propriétaire de la ville », tout en voulant « tourner la page d’un système à bout de souffle », « l’ancien monde », Saurel ne cessera de le marteler : son « seul parti c’est Montpellier ! ». Le nouvel édile ne sort pourtant pas de l’œuf. Ancien conseiller national, secrétaire de la fédération de l’Hérault et secrétaire de section du PS, il fait même figure de professionnel de la politique. Conseiller municipal de Montpellier de 1995 à 2014, conseiller général de l’Hérault de 1998 à 2014 et suppléant de la députée de la 2e circonscription de l’Hérault depuis 2012, l’homme est un habitué du sérail et du cumul. Aujourd’hui, maire de la huitième ville de France, Philippe Saurel n’est pas rassasié pour autant. Zoom sur cet ogre électif qui pour parvenir à ses fins n’hésite pas à bannir le fond politique et devenir une vraie bête de scène.
Candidat à plein temps
Quelques jours avant le premier tour de l’élection municipale , lors d’une rencontre avec les syndicalistes, le candidat Saurel annonça : « Il faut un président d’Agglo qui ne fasse que ça. Qui s’occupe des gens et des communes. Et un maire qui ne s’occupe que de la Ville. Tout seul, on ne peut pas tout faire », rapporte La Gazette de Montpellier du 15 janvier 2015 s’appuyant sur un enregistrement de la CGT Tam. Problème, après son élection, le 15 avril, le même candidat se présente à l’agglomération et en est élu président bafouant ainsi un de ces principaux engagements de campagne. « Je serai un maire à plein temps » présent sur de nombreux tracts et affiches fait alors office de mensonge électoral. L’intéressé lui ne l’entend pas de cette oreille et lance à France 3, juste après sa nomination : « les Montpelliérains m’ont donné le pouvoir de gouverner », oui mais pas n’importe où.
Quelques mois plus tard, en septembre, vient le moment des élections sénatoriales. En conférence de presse et même s’il n’est pas candidat et n’en a finalement présenté aucun, Philippe Saurel ne peut s’empêcher de rassurer son ego en annonçant : « Vous le savez, je possède à la ville 300 grands électeurs environ et si j’étais candidat aux sénatoriales, entre les grands électeurs de la ville, les maires de l’agglomération, tous les maires amis du département de l’Hérault, je ne pense pas avoir un seul problème pour être élu sénateur ». Avec les 227 grands électeurs de la ville qu’il a finalement obtenu, Saurel a fait la pluie et le beau temps sur l’échiquier politique et non sans un malin plaisir, car « posséder » des électeurs c’est aussi un pouvoir et pas des moindres. Le 10 décembre celui qui est déjà maire de Montpellier et président de Montpellier Agglomération vient d’être élu président du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Montpellier (CHRU). Il remplace donc feu Christian Bourquin, ancien président de la région, à la tête de cette structure qui compte plus de 10 000 personnes, ce qui en fait le premier employeur du Languedoc-Roussillon.
Pour les élections départementales de mars 2015, après une volonté d’accord avec le PS restée sans suite, Philippe Saurel a décidé de présenter des candidat-es estampillé-es « majorité municipale » sur tous les cantons de la ville. Il a donné cinq conférences de presse pour dévoiler les binômes titulaires et suppléants qui brigueront un mandat au conseil général. Sans surprise, il s’agit en grande partie d’actuels conseillers municipaux et communautaires ou bien d’anciens candidats de sa liste municipale restés bredouilles. Voyant déjà plus loin, lorsque Midi Libre interpelle l’intéressé à propos de la région, voici ce qu’il répond : « Bien sûr qu’elle m’intéresse. Mais si vous voulez me faire parler de ma candidature, alors on en parlera de façon précise après les élections cantonales. ». Une élection en appelant une autre, on finit par se demander si celui qui promettait d’être « un maire à plein temps » n’est pas au final un candidat à plein temps. Entraînant dans sa frénésie électorale et cumularde toute sa cour, il serait cependant nécessaire de revenir à l’essentiel, le programme sur lequel cette liste a été élue. « La politique autrement » n’est pas pour tout de suite, mais d’ailleurs où est-elle la politique ? Je ne vois que de la politicaillerie.
Cultiver son image
Si Philippe Saurel a la tête dans les étoiles et rêve toujours d’un mandat plus impérial dans le but de faire partie des mastodontes de la constellation politique, il garde cependant les pieds sur Terre, car il le sait, il fait figure de colosse aux pieds d’argile. Désigné par 20,55% des inscrits, cela fait de lui le maire le plus mal élu de toute l’Agglomération, aujourd’hui Métropole. Mis en parallèle avec le nombre d’habitants cela revient à dire qu’un peu plus de 10% des Montpelliérains ont opté pour le candidat Saurel. Si ce manque d’engouement citoyen lui a d’abord été bénéfique, lui permettant de faire une campagne ciblée sans s’éparpiller ni s’épuiser, aujourd’hui en poste cela lui porte préjudice.
Dans les institutions où il a été élu au suffrage indirect et loin du peuple comme la Métropole, Philippe Saurel est comme un poisson dans l’eau, tenant d’une main de maître le gotha politique local. En réunion, René Revol (PG), maire de Grabels, nous avait glissé que pour permettre le passage en Métropole, l’argument de Saurel consistant à nommer 5 nouveaux vice-présidents, indemnités supplémentaires incluses, avait été parfaitement bien assimilé par les maires cupides. Il faut dire que Revol étant lui même vice-président à la métropole, sait de quoi il parle. Mais ce qui est faisable dans une assemblée de 92 personnes dont 32 sont issus de sa liste n’est pas duplicable avec les 268 000 habitants que compte Montpellier. Car si la mairie comporte un conseil municipal, le lien avec la population est constant, et Saurel le sait bien, s’il veut voir réaliser ses rêves de grandeur il doit asseoir sa position localement. Séduire le grand nombre n’est pas chose facile comme le montre dernièrement la cérémonie des vœux du maire du 6 janvier dernier sur le parvis de la mairie. Malgré les panneaux publicitaires, les cartons d’invitations, les annonces dans la presse et le rappel dans le journal municipal, seuls 500 habitants y ont participé d’après Midi Libre. L’élu qui en avait profité pour présenter ses candidat-es aux départementales « tel le Saint-Père, entouré de ses disciples (pardon, de ses adjoints) et face à 500 croyants (pardon, citoyens) » ironise Direct Matin, conteste évidement ce chiffre, le retour à la réalité fait parfois mal.
Si Saurel ne mobilise pas, au moins espère-t-il pouvoir profiter des événements qui soulèvent les foules comme lors de l’Antigone des associations où des portraits de lui vantant sa politique étaient hissés de la Place Paul Bec jusqu’à celle de Thessalie, ou encore pour le rassemblement républicain du dimanche 11 janvier où 100 000 citoyens ont battu le pavé de la capitale régionale. Une véritable aubaine. D’après l’Agglorieuse du 14 janvier, « pendant trois jours, Philippe Saurel a fait pression sur les organisateurs pour prendre la parole », mais sans succès. « Durant la marche, l’édile de Montpellier souriait jaune. Phiphi par-ci, Phiphi par-là. Désolé mais pas cette fois », ajoute le canard. Mais qu’à cela ne tienne, Saurel a plus d’une corde à son arc. C’est ainsi qu’après quelques mois de mandat, le journal municipal est devenu le journal du maire, prenant par la même occasion la charte graphique de la campagne municipale de l’intéressé. Oui, sa campagne n’est pas terminée. Plus récemment c’est la Métropole nouvellement crée qui a vue son code couleur rappelé, là aussi, sa communication d’antan : « vert printemps, violet et orange » se vantait alors son président au premier conseil de la Métropole. Des détails qui pour un homme d’illusion prennent une toute autre dimension. Chacune des institutions qu’il a désormais sous sa botte sont partie prenante d’une immense machine de guerre électorale, pour le meilleur et surtout pour le pire. Comme le dit Décathlon: « A fond la forme » !
Abrutir pour mieux séduire
« Je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse, dans deux ans pour être de nouveau élu, je ferai campagne sur des conneries populaires, pas sur des trucs intelligents que j’aurai fait », disait feu George Frêche à l’époque président de la Languedoc-Roussillon. Ce dernier disait aussi de Philippe Saurel qu’il était son « fils spirituel » et en effet cela se confirme. A mille lieux du fond et du concret politique, le maire de Montpellier semble se complaire dans la communication abusive, la « peoplisation » et le brouillage des cartes et des valeurs. Sur ses réseaux sociaux, l’élu prend un soin tout particulier à paraître cool et vivant avec son temps, comme en participant au fameux Ice Bucket Challenge ou en sautant habillé dans la piscine d’Antigone avec les champions de France de water-polo.
Cela parle évidemment aux jeunes qui ne se retrouvent plus dans les personnalités politiques classiques. Dans les commentaires de sa page Facebook on retrouve donc : « Il est génial ce maire !!! », ou encore : « sexy le maire ça nous change vraiment ! ». Si les jeunes sont dégoûtés c’est aussi car politiquement rien n’est fait pour eux, et Philippe Saurel en préférant le show au concret, participe aussi à cette désillusion juvénile. L’extravagant ne dure qu’un temps.
Comme pour s’accaparer leur notoriété, Philippe Saurel aime aussi se faire prendre en photo et se montrer en compagnie de personnalités médiatiques. Ne cherchez pas de logique, le maire n’est fâché avec personne, ni humainement, ni politiquement.
Sa technique pour faire miroiter un changement alors qu’en fait rien ne bouge est de paraître hyper-actif et sans cesse sur le terrain, faire quelque chose quoi. Ainsi, n’avons-nous pas hérité d’un maire super-héros. La série littéraire Martine peut aller se rhabiller !
L’appétit électoral de Philippe Saurel semble sans limites, tel Gargantua, personnage bien connu de Rabelais, il dévore strate par strate les échelons du pouvoir. Pour y parvenir l’élu nous amuse, « du pain et de jeux » diraient d’autres. Avec son discours polymorphe il a de quoi séduire tout le monde. De ses citations de Jean Jaurès à ses reprises du FN, tantôt parlant de Fidel Castro, tantôt du Pape François. Plaire à tous et ne contenter que soi, voilà la recette d’un autre titan, George Frêche. Une culture du paraître où la politique fait figure d’intruse. Les électeurs font office de proies à charmer et les mandats, de places à gagner. Mais après trente-sept années de frêchisme, les gens sont-ils toujours dupes ? Et le costume n’est-il pas un peu grand pour celui qui veut marcher dans les pas du géant ? C’est aux « cons » de voir.
Crédits photos : Page Facebook et Twitter de Philippe Saurel, Twitter Hérault H24, France 3 Languedoc-Roussillon, Stefano Bianchetti/Corbis.
Tout va plutôt bien jusqu’à la conclusion, votre haine de Frêche vous rattrape hélas. Le principal souci de Saurel, outre ceux que vous citez dans son article est que son seul vrai projet est de ne pas avoir de grand projet, tout le contraire de Frêche. A part ceux qui ne sont pas annulables, il a tout annulé, souvent sans autre raison que « j’aime pas » ! Par contre, pour la gestion des détails du quotidien de la ville, je trouve qu’il fait ça pas mal.
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