Démocratie participative : occuper le bon peuple ?

Voilà bientôt un an que Philippe Saurel a été élu maire de Montpellier. Dans le numéro d’octobre 2014 du journal de la ville, il annonçait dans son édito que « l’équipe municipale a déjà tenu 14 de ses 15 engagements ». Mais quel est donc ce 15ème engagement, le « prochain chantier » comme le nomme le principal intéressé ? Il s’agit de la mise en place de la démocratie participative. Rien que ça ! D’autres auraient commencés par là mais ce n’est pas le cas du maire, loin de là. Retour sur la vision de la démocratie à la sauce Saurel, à la ville comme à la métropole.

A la ville « Je suis le patron »

Pour conquérir la mairie, Philippe Saurel a mené sa campagne municipale en assurant faire de la « politique autrement » et en se targuant de présenter « une liste pour une nouvelle gouvernance non autocratique ». On peut dire qu’une fois au pouvoir les choses nIMG_4726e se passent pas tout à fait comme cela. Le journal Le Point qui l’a suivi une journée entière rapporte : « 18 heures Grand oral Réunion politique comme chaque lundi, dans la salle du conseil municipal. Elle est réservée aux 45 conseillers municipaux de la majorité. (….) L’occasion d’un cours de politique par le maire. Il déroule également l’agenda pour que chacun sache où il devra être dans la semaine. Pas question de renâcler. Il tient ses troupes et tacle le premier qui diverge. » A propos des élections départementales qu’il convoite, ce dernier leur lance : « Tout ce que je fais est politique et je n’agis pas par hasard, au cas où cela vous aurait échappé. La politique, c’est anticiper ! ». « Le message est clair : « Je suis le patron » », conclut l’hebdomadaire.

L’heure n’est plus aux beaux discours, chassez le naturel, il revient au galop ! L’édile ne s’en cache plus et se vante même d’être « adjoint à tout »  (La Gazette de Montpellier – 22/01/2015). Au fil des mois les montpelliérains s’en étaient rendus compte. A l’instar des syndicalistes de la TaM (Transports de l’agglomération de Montpellier) qui parlaient ainsi de leur président, Abdi El Kandoussi, élu au conseil municipal et à la métropole : « « Il est bien gentil Abdi mais on sait que ce n’est pas lui qui décide », glisse l’un d’eux en faisant référence à Philippe Saurel. », « « C’est l’homme invisible, il est transparent », ajoute un autre. » (Midi-Libre -28/01/15) Ce constat semble partagé par tous ceux qui gravitent de près ou de loin autour de l’équipe du « boss », « la Saurélie » comme s’en moque l’Agglo-Rieuse. En un mot : des marionnettes.

Ce constat j’ai pu le faire personnellement. C’était le 7 décembre 2014 lors d’une agora citoyenne sur la Place de la Comédie au cœur de Montpellier. Sous son intitulé « Petit-Bard une ré-publication » cette agora, comme les précédentes, avait pour but de déplacer un quartier dans un autre, faire vivre le débat et matérialiser par la voix, à l’aide d’un micro, les galères, les joies et les initiatives du quotidien, le tout se faisant à l’aide d’articles parus dans « les pages quartiers » de Midi Libre. Donner vie au papier et la parole au peuple en quelque sorte. Cette fois-ci l’agora avait la chance d’avoir en son sein la conseillère municipale, élue de quartier du Petit-Bard, Sabria Bouallaga, qui, aux dernières nouvelles habite pourtant Juvignac. Les premiers mots de cette dernière furent : « Je ne vais pas beaucoup m’exprimer, je vais surtout vous écouter parler ». Une élue à l’écoute des habitants ? Quel miracle me suis-je dis ! J’ai compris plus tard que ce silence était révélateur d’autre chose. Continuant dans son court exposé, l’élue en est arrivée à parler de l’association Main Verte avec laquelle des femmes cultivent une petite parcelle dans le quartier, elle conclut en disant que les pouvoirs publics devraient soutenir cette initiative.

Devraient ? Cette remarque n’a fait que confirmer mes doutes : les pouvoirs publics ici c’est elle. Incapable de défendre un point de vue ou de s’imposer, il était alors clair pour moi que c’était bel et bien Philippe Saurel l’élu du quartier Petit-Bard. Encore lui. Le coup de grâce a été donné lorsque la police est venue interrompre l’agora. Un IMG_4730regroupement ? De la parole ? Un espace public ? Bon sang mais c’est de la démocratie, faisons cesser cela ! Alors que certain-e-s allaient voir les représentants de l’ordre pour leur dire que nous ne faisions rien de mal, je regardais ladite élue qui restait plantée là. C’est peut-être malheureux mais de par son poste elle aurait fait cesser cette mascarade en deux minutes, pas un mot. « Invisible » disait un autre et c’était exactement ça, tristement transparente. Le maire ne lui avait sûrement pas donné de mandat pour cela. Le soir venu un des participant m’a confié : « Je suis sur le coup d’un post que je viens de lire qui voudrait que je bosse pour l’élue venue ! Pffff ». Le voilà donc son mandat. « La politique autrement » patientera de même que la « nouvelle gouvernance non autocratique ». En attendant le maire doit toujours entretenir cette illusion d’alternative alors qu’il n’est qu’alternance au système précédent. Pour cela il dispose de plusieurs outils.

CMJ : « Cause toujours, tu m’intéresses »

Lancé sous Hélène Mandroux en 2010, le Conseil Municipal de la Jeunesse (CMJ) de Montpellier, grand frère du Conseil Municipal des Enfants (CME), est aujourd’hui géré par Fabien Abert, adjoint au maire délégué à la jeunesse et au sport. Pour se faire il est aidé par Khanthaly Phoutthasang, déléguée à la jeunesse et à la vie étudiante auprès de lui. Ce conseil actuellement composé de 104 jeunes âgé-e-s de 16 à 29 ans, vivant, travaillant ou étudiant à Montpellier n’est qu’une instance consultative. En effet même s’il dispose d’un budget de 9000 euros le conseil ne peut rien faire seul. Les membres peuvent participer aux différents groupes de travail qui sont : Emploi, Logement, Transport ; Citoyenneté ; International ; Santé, Écologie ; Evénementiel. C’est dans ces groupes que les projets sont conçus. Ensuite, ils doivent être retenus et validés par la majorité municipale. Les propositions sont alors portées aux assemblées plénière du CMJ qui ont lieu quelques fois dans l’année et doivent enfin être délibérées au conseil municipal pour devenir effectives. Sur le site de la mairie on peut voir que rares sont les réalisations du CMJ depuis sa création, elles se comptent au nombre de deux : « la mise en place du dispositif d’Aide au Permis de Conduire » et « une réalisation de vidéos témoignages en faveur de la lutte contre l’homophobie ».

Philippe Saurel n’a toujours pas trouvé bon de venir à la rencontre du CMJ, il faut dire que dans ce conseil étroitement lié aux services jeunesses de la ville rien ne lui échappe. Tout est entre les mains de sa majorité, de la validation des projets aux votes exécutifs. Donner la parole aux jeunes, oui mais s’il le veut bien. D’ailleurs il a beau ne pas êtIMG_4735re sur place il reste cependant omniprésent de part son délégué, Fabien Abert. Dans la vidéo faisant par de la seconde assemblée plénière, sa petite tête blonde robotisée réussie à caser son nom deux fois en une minute de parole : « C’est la base de la politique de Philippe Saurel », « comme l’insuffle Philippe Saurel ». Si avec ça on n’a pas compris. Les membres du conseil qui sont parfois des militant-e-s engagé-e-s forment tout l’échiquier politique. S’ils ne perçoivent aucune indemnité, ils reçoivent cependant des invitations à tous les événements en lien avec la ville. En signe de reconnaissance, la mairie attend sans doute qu’on ne s’en prenne pas trop à ses actions ou inactions, et gare à celui ou celle qui exprimera son avis sans détour ! Une charte de bonne conduite est d’ailleurs en cours d’écriture pour éviter tout débordement démocratique.

Pour faire simple, le CMJ ressemble fort à une chambre d’enregistrement de la jeunesse montpelliéraine donnant la température au maire qui reste maître de la situation dans tous les cas. Les places VIP et les sièges dans la salle de la mairie suffisent à amadouer les plus dociles alors que les discours rebelles se retrouvent malheureusement dilués et étouffés dans la structure. Espérons tout de même que les membres pourront arracher quelques avancées.

Conseils de quartiers : platanes ou mimosas ?

Depuis la loi du 27 février 2002, dite « loi Vaillant », relative à la démocratie de proximité, Montpellier, comme toutes les villes de plus de 80 000 habitants, doit créer un ou plusieurs conseils de quartiers pour développer la participation citoyenne. Malgré cette obligation, le maire n’a pas pu s’empêcher d’en vanter la mise en place dans le bulletin municipal de février 2015 : « A Montpellier, nous pensons que l’expression des habitants est fondamentale, et j’ai souhaité que tout Montpelliérain puisse prendre part à la construction démocratique de la ville. Comme je m’y étais engagé, une instance de démocratie participative vient d’être votée, avec la création de 7 Conseils de quartiers. » Le tout forme un texte très centré sur le territoire et sa personne alors que cela se fait dans toutes les grandes villes et sans son aide. D’ailleurs L’Hérault du Jour ne s’est pas privé de faire redescendre l’édile sur Terre en titrant : « Sept conseils de quartier créés à Montpellier, comme la loi l’exige ». Voilà qui remet les choses et les gens à leur place.

Il y a cependant une différence importante avec les conseils de quartiers des deux précédentes mandatures qui ont défilées depuis 2002. En effet, dans ces sept quartiers dessinés par l’Insee qui sont : Centre, Cévennes, Croix d’Argent, Hôpitaux-Facultés, Mosson, Port Marianne et Près d’Arènes, les membres des conseils seront désignés par un tirage au sort. « Je me suis inspiré defaultde la ville de Strasbourg », a expliqué Philippe Saurel lors d’un conseil municipal. Les représentant seront donc tirés au sort à partir des listes électorales au nombre d’un conseiller pour 1 000 habitants le tout en respectant la parité. À cela il faut ajouter deux membres tirés au sort sur la liste électorale des moins de 25 ans et des associatifs au nombre d’un pour 4 000 habitants à partir d’une liste de volontaires. Les participants ne recevront aucune indemnité et seront élus pour 3 ans avec 2 ans renouvelables jusqu’à la fin du mandat municipal en cours. « Auparavant, les membres des conseils consultatifs étaient cooptés par les élus ou des présidents d’association« , rappelle Midi Libre. Tirage au sort en avril prochain !

Mais là encore ces conseils ne sont que consultatifs, rien ne peut se faire sans l’aval de la majorité municipale. De plus, même si la méthode de désignation a changé et que le maire dit qu’« il ne faut pas avoir peur des citoyens », on peut toujours douter de l’importance des sujets traités par ces conseils. En effet, les derniers exemples de concertations démocratiques mis en avant par la majorité dans le journal municipal de décembre 2014 brillent par leur futilité. On y trouve « la dénomination du quartier de l’ancien lycée Mendès-France en « Passage Clemenceau » » ou encore la restructuration des Halles Laissac où la mairie n’a présenté le projet qu’aux « commerçants concernés » sans même penser aux riverains. Prévoir un nouveau lieu marchand et oublier d’en causer avec les citoyens, voisins ou futurs consommateurs, on a vu plus démocratique et intelligent. On peut aussi citer la « réunion publique concernant les arbres du Carré Sainte Anne«  où il s’agissait de « remplacer les 4 mimosas datant de 1992 », la mairie invitant les habitants à « choisir l’essence à replanter ». Sans commentaire. Il faut également préciser que le budget municipal alloué à ces conseils vient diminuer de plus de moitié pour atteindre les 85 000 euros par conseil pour l’année 2015. Voilà de quoi planter quelques arbres labellisés « démocratie participative ». Une autre inquiétude subsiste, c’est la place qu’auront ces conseils par rapport aux comités de quartiers organisés en associations. Ces derniers ayant déjà du mal à se procurer des locaux à l’instar du comité CleRonDeGamBe (Clemenceau, Rondelet, Saint-Denis, Gambetta, Berthelot, Renouvier, Chaptal, Laissac, Saunerie, Nouveau Saint-Roch). Il font pourtant un travail de terrain indispensable à la dynamique des territoires comme le comité de la Paillade qui offre une image du quartier tout à fait différente de celles véhiculées ici ou là.

La Métropole « comme on gère une entreprise »

Durant la campagne municipale Philippe Saurel s’était engagé a être « un maire à plein temps ». Il s’expliquait même en ces termes devant la CGT TaM : « Il faut un président d’Agglo qui ne fasse que ça. Qui s’occupe des gens et des communes. Et un maire qui ne s’occupe que de la Ville. Tout seul, on ne peut pas tout faire ». Depuis l’homme occupe les deux postes, la première preuve de démocratie participative aurait pourtant été de respecter le programme sur lequel il a été élu. Philippe Saurel avait cependant raison concernant l’impossible accomplissement des deux tâches comme le rapporte le journal Le Point qui l’a suivi : « Arrivée à l’agglo, réunion avec Christian Fina, directeur des services, dans le petit bureau que s’est réservé Philippe Saurel. « Je n’ai pas repris celui de Frêche, je passe souvent ici, mais je ne fais que passer. » C’est donc Christian Fina qui fait le boulot. Lui aussi est multi-tâche en tant que directeur général des services de l’agglomération, devenue Métropole, depuis 2010 et de la ville en décembre 2014. « Le directeur entend aussi gérer les deux collectivités « comme on gère une entreprise » », annonce Midi Libre. Le message est clair, les 6 000 agents qu’il a sous ses ordres travaillent dans une usine au service du maire-président, adieu la collectivité. Philippe Saurel se vante de porter le « renouveau » mais le manquement aux promesses de campagne et l’embauche d’insubmersibles comme Fina n’ont rien d’une révolution, ce n’est que la triste continuité de la situation antérieure. Là encore, il faut bien cultiver une image d’écoute et de démocratie, même si personne n’y croit.

Boîte à idées : la démocratie virtuelle

Pour faire mine d’être proche des gens, Montpellier Méditerranée Métropole vient de mettre en place une « boîte à idées en ligne ». French Tech oblige c’est une start-up monptelliéraine, Noospher, quCapture3Mi en est à l’origine. Ici il n’est même pas fait mention de comment les idées seront sélectionnées ou pas, ce sera sans nul doute au bon vouloir du patron Fina et du président Saurel. Celui qui avait été un grand cadre d’un parti habitué au bourrage d’urnes, le PS, va devoir désormais s’habituer au dépouillement partiel. Mais pas d’inquiétude, d’après La Gazette de Montpellier « des propositions fleurissent déjà », comme « Planter plus d’arbres », ou « développer l’usage du vélo en ville… ». Nous retrouvons nos arbres, décidément existentiels. De quoi ravir le président. Demander l’assainissement de l’eau en régie publique ou la gratuité des transports auraient été plus embêtant.

« La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours »

Alors que Philippe Saurel prétendait faire autrement, on peut voir que rien n’a changé. Ni par les méthodes électoralistes ni par les personnes ayant le pouvoir qui ont été tout bonnement ressorties du placard. Même si l’édile joue sur une soi-disante parole aux citoyens, on voit bien qu’il a toujours le dernier mot. Il ne prend d’ailleurs même pas la peine de demander leur avis aux habitants sur les sujets importants, à l’image de la ligne 5 de tramway qu’il a décidé d’enterrer tout seul. Il aurait pourtant pu mettre en place un référenduIMG_4514m local comme l’État l’y autorise. Ce dernier engagement qu’est la mise en place de la démocratie participative n’est qu’un énième coup de communication. Le comble ? La 2ème conseillère municipale de la majorité, Maud Bodkin, aussi déléguée à la démocratie participative, est actuellement en campagne départementale sur le canton 5 de Montpellier et donc prête à cumuler. Voilà qui résume parfaitement la situation et le contraste entre les belles paroles et la réalité. De toute façon le maire n’a pas besoin d’elle, il est adjoint à tout, rappelez-vous. Mais a-t-il besoin de nous ? Oui les 22 et 29 mars prochain, pour les élections. Combien de temps cela va t-il encore durer ?

Une réflexion sur “Démocratie participative : occuper le bon peuple ?

  1. M. Saurel se réfère souvent à M. Frèche et comme beaucoup de Montpèllierains et a une vision de la gouvernance qui peut paraître autocratique. Pourtant, il s’appuie sur une équipe de personnes nouvelles en politique et il est normal qu’il se positionne en patron dans un premier temps au moins pour de multiples raisons que je n’approuve pas forcément. Nous verrons si il laisse plus d’autonomie à son équipe petit à petit…
    M. El Kandoussi n’est surement pas un pantin, loin de la et heureusement que nous avons de nouveaux élus qui tiennent des discours comme le sien et qui pour l’instant semblent tenir leurs paroles courageuses.
    Quand à Mme Bouallaga, sa place en tant qu’élue du grand quartier des Cévennes n’est pas du tout une place enviable ni facile car les enjeux sont considérables. Oui ce qui s’est passé à l’agora est vraiment déplorable ! Mais de la à faire un article à charge sur la nouvelle équipe politique c’est trop partisan.
    Quand à notre élu aux sports, entre M. Vignal et à M. Abert, pour moi il n’y a pas photo, je vote pour la jeunesse même avec ses défauts…
    La nouvelle mise en place de la démocratie participative n’est pas encore mise en oeuvre, attendons avant de juger et le comble c’est de déformer la réalité ! Je m’explique :
    Pour l’instant, la ligne n° 5 n’est que retardée et dans l’ensemble notre nouveau maire s’est appuyé sur les revendications démocratiques des Montpelliérains.
    Mlle Bodkin, jeune élue très active de 19 ans est pour moi le symbole prometteur d’un nouvel espoir d’envisager la politique autrement, alors SVP, ne soyez pas trop exigeants…
    Moi, j’ai lu que les candidats élus aux départementales devraient laisser leur place si ils sont élus pour que plus de personnes puissent faire de la politique. Alors nous verrons bien mais jusqu’à preuve du contraire, j’ai espoir en cette nouvelle équipe et c’est tant mieux.

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