La nouvelle est tombée hier à 23h28 : « René Revol (Parti de gauche) attaque Montpellier journal sur deux fronts judiciaires », apprend-on dans cet article signé Jacques-Olivier Teyssier, le journaliste visé par ces poursuites. Pourtant, Montpellier journal assure un travail indépendant de salubrité publique au vu des enquêtes de terrain fouillées qu’il propose. Il est hallucinant que ce soit un leader de la gauche dite radicale, a fortiori du Parti de Gauche, qui entame ces démarches. Encore plus étonnant quand on sait comment René Revol mène sa barque en coulisse.
Lundi 23 février 2015, lors du conseil municipal du village de Grabels, le maire Parti de gauche, René Revol, a fait voter une étrange délibération : la protection fonctionnelle du maire qui a été adoubée à l’unanimité des conseillers. Ainsi, le cabinet d’avocats CGCB va défendre Revol dans deux affaires. Le maire s’explique ainsi : « Je porte plainte contre M. Jacques-Olivier Teyssier, déclarait ainsi le premier élu, pour dénonciation calomnieuse et pour diffamation. Il n’y a aucune vigueur dans mon propos. Simplement la volonté de me défendre par rapport à une accusation honteuse et je porte plainte contre X contre tous ceux qui ont nourri ces accusations mensongères et contre tous ceux qui les reproduisent et les diffusent, à l’insu, apparemment, de M.Teyssier. » (Midi Libre-25/02/15).
Montpellier journal, seul média indépendant d’informations à Montpellier, souvent comparé à un Mediapart local est pour la première fois attaqué. Son fondateur, Jacques-Olivier Teyssier, se voit reprocher deux articles : « Plainte pour « corruption », immobilier, inondations : René Revol sur la sellette » (19/12/14) et « René Revol fait un beau cadeau foncier à un entrepreneur du bâtiment » (05/02/15). Dans les colonnes de Midi Libre, l’intéressé se dit « surpris » par cette procédure : « C’est la première fois, depuis dix ans que je pratique le journalisme, que quelqu’un annonce vouloir m’attaquer. J’ajoute que René Revol annonce m’attaquer pour dénonciation calomnieuse ; on verra. Je note que M. Revol, élu du Parti de Gauche, censé défendre les plus faibles, s’attaque à un titre particulièrement fragile. »
Père-la-Morale
Dans un document audio du conseil municipal de Grabels publié par Montpellier journal, le grand ami de Jean-Luc Mélenchon n’y va pas de main morte. Monsieur Teyssier « n’est pas journaliste car il n’a pas de carte de presse », il tient « un blog payant » où il sort « des soi-disantes affaires » qui nourriraient ses « activités mercantiles ». Et l’édile de conclure : « je ne me laisserais pas faire, il y va de la moralisation de la vie publique ! »
Revol enfile les arguments creux comme d’autres enfilent les perles. Effectivement, pour rappel : ce n’est pas la carte de presse qui fait le journaliste, elle ne fait que le constater. De plus, Jacques-Olivier Teyssier étant directeur de publication, il ne peut, en tant que « patron » de presse, y prétendre. Ensuite, que son site soit payant (6€ par mois) n’est pas un problème en soi : comment peut vivre autrement la presse libre ? Si Revol, l’éminent professeur d’économie, a un autre modèle, qu’il s’empresse de faire profiter la brave populace de son savoir inestimable. Les deux journalistes de Montpellier journal ne gagnent que 650€ nets par mois. Bien loin des 2 700€ d’émoluments de Revol en tant que vice-président à la métropole.
Enfin, la « victime » dit vouloir porter plainte pour moraliser la vie publique. Revol, Père-la-Morale, veut ainsi faire la leçon à qui met le nez dans ses affaires. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! » est son leitmotiv. En effet, que se passe-t-il dans les couloirs feutrés de la mairie de Grabels ? Voici des faits dont nous pouvons témoigner après avoir passé plus deux années au Parti de Gauche de Montpellier.
Cabinet du maire : occupé !
Grabels est un charmant village de 6 698 habitants (chiffre 2012) en banlieue de Montpellier. René Revol y a été élu maire en 2008 sous l’étiquette Parti socialiste puis réélu en 2014 sous la bannière Divers gauche. Divers gauche ? Quelle étrange étiquette alors que dans le même temps il était co-secrétaire du Parti de Gauche (PG) de l’Hérault. N’assumerait-il pas sa couleur politique et le programme qui va avec ?
Quoiqu’il en soit, Revol est maire et s’en donne tous les apparats. Ainsi, l’édile du village dispose de son propre cabinet avec une jeune femme, employée par la mairie. Juliette Escolano, c’est son nom, est également membre du Parti de Gauche et se présente comme « assistante de René Revol ». « Un cabinet dans une mairie comme Grabels, c’est étonnant quand même. Généralement, on voit ça dans les grandes villes », commente un militant du PG.
Un mélange des genres qui peut surprendre. Ainsi, l’ « assistante de René Revol » prend en charge la communication et l’évènementiel du PG notamment pour les grands raouts avec l’ami de longue date, Jean-Luc Mélenchon. Elle pose des jours de congés pour ces événements mais les badges officiels sont rangés dans des enveloppes estampillées « mairie de Grabels ». Où commence le travail militant et où termine celui de directrice de cabinet ? Une position à éclaircir car « il y va de la moralisation de la vie publique ».
Un cabinet noir ?
Une autre joyeuseté pose question sur ce qui se passe à la mairie de Grabels. Effectivement, le pétillant Joël Vezinhet, co-secrétaire du PG 34, instituteur à la retraite et candidat aux élections départementales sur le canton 1 de Montpellier (La Paillade-Grabels) aurait-il un rôle à la mairie ?
À regarder le trombinoscope des conseillers municipaux, il n’est pas élu dans la commune. À moins qu’il ait dégoté un emploi contractuel, il n’est pas non plus salarié de la mairie. Alors pourquoi écrit-il dans un document interne du PG 34 qu’il fait partie de « la direction de la mairie avec René » ? C’est effectivement l’argument qu’il utilise dans une « note politique élections départementales » envoyée le 24 janvier 2015 aux membre de la coordination départementale du PG pour légitimer sa candidature sur le canton.
Quelle est cette obscure « direction » de la ville de Grabels ? En quoi un responsable d’un parti politique gère-t-il la commune avec son ami René ? Cette expression dans un document officiel du PG écrite de la main même de l’intéressé jette un trouble pour qui veut « moraliser la vie publique. »
À la table du maire
Deux épisodes que nous avons nous-même vécu montre le gloubi-boulga qui règne à Grabels et démontre la porosité entre la commune et le Parti de gauche. Ainsi, en braves petites mains du parti, avec d’autres, nous avons beaucoup œuvré lors des événements.
Le premier épisode remonte au lendemain du meeting de Jean-Luc Mélenchon du 21 mai 2014 pour les élections européennes. À trois, nous nous trouvons chargé de rapporter les bars qui étaient installés dans le hall du Zénith et qui ont servi à la distribution des boissons et des sandwichs vendus pour l’occasion. Après avoir chargé les mastodontes dans le camion, on nous donne la feuille de route : direction Grabels ! Notre mot d’ordre ? Dire que nous venons de la part d’une association au nom de laquelle les bars avaient été réservés. Il ne fallait surtout pas dire que c’était pour le meeting du camarade Jean-Luc.
Une fois arrivé, il fallait penser à enlever nos signes distinctifs du PG : écharpes et triangles rouges devaient rester dans le camion. Et c’est ainsi que nous avons bredouillé les consignes à la secrétaire de la mairie. « Quelle association ? », demanda-t-elle. Mince ! Nous avions oublié la carte de visite qu’on nous avait refilé avant de partir. Après l’avoir récupérée, nous avons déposé vite fait les bars gênants dans la cour de la mairie et avons repris la route sans demander notre reste.
Le second épisode concerne les premières rencontres écosocialistes du PG 34 qui ont eu lieu au château de Grabels le 14 juin 2014. L’événement ayant été préparé à l’arrache, la mairie est incapable de fournir le matériel nécessaire. Une autre équipe est réquisitionnée pour jouer les sherpas et rapporter les tables et les bancs. Notre feuille de route : Saint-Georges-d’Orques et Montarnaud pour déposer le tout chez Pierre Alexandre, adhérent du PG, et époux de Marie-Annick Alexandre, adjointe au maire de Grabels déléguée à la petite enfance, à l’enfance et à l’éducation pour tous.
Par une belle journée d’orage, nous voyageons ainsi tout un après-midi sous un soleil de plomb, nous déchargeons le camion sous une pluie battante et enchaînons les aller-retour. Notre consigne est aussi très claire : dire que nous sommes d’une association culturelle auprès des autres mairies et surtout pas du PG. Des agents insistants comprendront vite que nous n’avons rien d’une troupe de théâtre car nous ne nous étions pas coordonnés sur le bobard à raconter. On a vu mieux pour « moraliser la vie publique » que ces façons de faire.
« Ne lisez pas Montpellier journal ! »
Concernant la liberté de la presse, là aussi Revol est maître du « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Ainsi, suite aux attentats contre Charlie Hebdo, il déclare à la presse : « la liberté de la presse et la liberté tout court est attaquée » (Midi Libre-12/01/15) comme le rappelle justement Montpellier journal. En coulisse, l’homme se fait moins démocrate et moins pluraliste. Ainsi, lors de l’assemblée générale du Parti de Gauche de Montpellier, le 15 octobre 2014 – la dernière à laquelle nous assisterons – Revol n’est pas content !
À cette époque, le Petit père du peuple grabellois commence à faire l’objet d’articles sur Montpellier journal dont un scoop ! Revol est vice-président à l’agglomération et annonce, après avoir promis la régie publique de l’eau, renouveler la délégation de service public pour sept ans en ce qui concerne l’assainissement ! Devant ses militants, il réagit et menace : « arrêtez de partager ces informations. C’est un menteur ! » Nous avons eu droit à une longue litanie contre le travail de Montpellier journal. Quinze jours après l’AG, Revol se fera l’ardent défenseur de Véolia pour deux des trois contrats en DSP lors d’un conseil d’agglomération. Dans le même temps, le Parti de gauche national lançait une campagne sur « L’eau, un bien commun » où on peut notamment lire : « Démocratie et transparence : droit à l’eau et à l’assainissement » ou encore « Multinationales, assez profité. Qu’elles dégagent toutes ! »
Lors de cette AG, une militante de premier ordre a assisté au numéro de Revol. Elle était assise à côté de lui et elle a même fait une introduction sur la situation politique nationale. Il s’agit de Pascale Le Néouannic, secrétaire nationale du PG et proche de Mélenchon. Elle ne s’étendra pas sur le pourquoi du comment elle s’est installée à Montpellier depuis quelques mois. Toujours est-il qu’elle travaillait dans l’équipe de Gabriel Amard à Viry-Châtillon. Le gendre de Mélenchon qui ne s’est pas représenté et dont son successeur n’a pas remporté la mairie. D’après ses dires à cette AG, elle est venue ici dans l’objectif de travailler sans préciser où. Tout en racontant cela, elle regardait René Revol avec insistance. Celle qui est toujours conseillère régionale d’Île-de-France a bien précisé ne pas vouloir participer à la vie politique tant qu’elle n’était pas véritablement installée. Nous lui souhaitons une bonne recherche d’emploi.
Quand Revol recourrait à Montpellier journal
René Revol n’a pourtant pas toujours été aussi vindicatif envers Montpellier journal. Pire, il l’a même utilisé quand il en a eu besoin. Ainsi, à l’été 2013, Jean-Pierre Moure est président d’agglomération et poursuit la délégation de service publique de l’eau au privé pour sept ans. Revol ferraille dur pour un retour en régie publique immédiat. Un rapport d’audit de la société SP 2000 sur les modes de gestion existe. Petit problème, les élus ont interdiction de le communiquer. Les maires des communes de l’agglomération sont pieds et mains liés par l’administration.
Cet été-là, je reçois un coup de fil de l’ « assistante de René Revol ». Le maire veut faire fuiter le rapport à la presse mais ne sait pas comment. Je glisse alors le nom de Montpellier journal. « Je pensais à lui aussi », me répondit-elle. Nous étions sûrs que ce serait le seul média qui travaillerait le sujet en profondeur. Comment allions nous faire ? Je me proposai d’aller déposer le dossier en début de nuit dans la boîte aux lettres de Jacques-Olivier Teyssier. Après s’être donné rendez-vous sur la place Albert 1er pour la remise de la photocopie du rapport, j’attendais que la nuit tombe. Vers 23 heures, je pris le chemin du domicile de Monsieur Teyssier pour glisser le dossier dans sa boîte aux lettres. Au grand bonheur de René Revol qui estimait à l’époque son travail.
Staline is alive !
Beaucoup de choses restent donc à débroussailler dans le village de Grabels car « il y va de la moralisation de la vie publique », comme dirait l’autre. Et Revol a la liberté de la presse à géométrie variable. Il n’est pas le seul d’ailleurs. « Cet acte odieux et méprisable n’a d’autre visée que d’intimider toutes celles et tous ceux pour qui la liberté d’expression, l’impertinence sont autant de droits inaliénables. » Cet extrait est écrit par Muriel Ressiguier et Joël Vezinhet, co-secrétaires du PG 34, en réaction aux attentats contre Charlie Hebdo (communiqué de presse – 07/01/15).
La liberté d’expression n’est pas non plus leur fort. Nous en avons été les premiers témoins lorsque nous portions haut les valeurs supposées du PG. Ainsi, une motion de censure a été votée à la dernière assemblée générale départementale dont vous retrouvez le texte dans la charmante missive qui nous avait été envoyée à l’époque (à relire : « À la Ferme des animaux, les cochons sont rois ! »). Pour le coup, l’impertinence n’avait pas reçu leurs faveurs.
C’est donc tout un système que soulève cette affaire. Les attaques envers Montpellier journal ne sont que la pointe visible de l’iceberg. Pour un parti politique se réclamant de la Révolution française, du siècle des Lumières et de la République sociale, cette histoire ne manque pas d’interroger. Rappelons les propos de Robespierre sur le sujet : « la liberté de la presse ne peut être distinguée de la liberté de la parole ; l’une et l’autre est sacrée comme la nature ; elle est nécessaire comme la société même », écrivait l’Incorruptible. Ou encore : « la liberté de la presse est le plus redoutable fléau du despotisme. » No comment.
SOIRÉE DE SOUTIEN À MONTPELLIER JOURNAL
Mise à jour du 28/02/2015 : Montpellier journal réagit à la plainte de René Revol et annonce dans le même temps que Pascale Le Néouannic, proche de Jean-Luc Mélenchon, a été embauchée à la mairie de Grabels. À lire : « Pourquoi les atteintes de René Revol sont une atteinte à la liberté d’expression. »
Mise à jour du 02/03/2015 : le Club de la presse de Montpellier a publié un communiqué de presse intitulé « Plainte contre Montpellier journal, une autre voie est possible. » Pour le Club, « les simples frais de justice constitueront une obstruction au travail de journaliste de son directeur de publication, Jacques-Olivier Teyssier, qui, rappelons-le, est présumé innocent ». « D’autres voies sont possibles », assure le Club de la presse qui propose l’intervention de son médiateur, Jacques Molénat. Et de rappeler que « depuis 2009, Montpellier journal est la cible d’attaques inacceptables de la part de collectivités et d’institutions ». À l’image du préfet qui refuse toujours d’inviter Montpellier journal à ses conférences de presse et de lui envoyer les communiqués de presse.
Mais cher camarade, vous ne savez pas où travaille Pascale Néouannic ? A la mairie de Grabels bien sûr et elle s’occupe des relations avec l’agglo …….
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Ce qui serait intéressant de savoir ce sont les faits au sujet desquels René Revol estime être diffamé. Que lui reproche Montpellier Journal ?
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Je l’ai topé ce matin au marché : il refuse de le dire
idem pour sa garde rapprochée
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@Philippe Cazal : Montpellier journal ne reproche rien, dans ses articles, à René Revol. Il rapporte des informations. Aujourd’hui on n’en sait pas plus que ce que René Revol a déclaré lundi soir. L’enregistrement de ses déclarations peut-être écouté ici : http://www.montpellier-journal.fr/2015/02/rene-revol-parti-de-gauche-attaque-montpellier-journal-sur-deux-fronts-judiciaires.html
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