A l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes qui a lieu tous les 8 mars, Pas de roses sans épines a décidé de dresser un petit bilan sur la situation à Montpellier. Dans notre ville, les inégalités hommes/femmes sont criantes. Le taux d’activité des 25-54 ans est de 89% chez les hommes et de 81% chez les femmes alors que le salaire net horaire moyen passe de 14 euros pour les hommes à 12 euros pour les femmes. Tandis que cette journée est de plus en plus dévoyée par des marques qui y voient la célébration de l’idéal féminin, il est plus que nécessaire de revenir au cœur du problème. Les inégalités ont la vie longue et Montpellier ne fait pas exception.
Parité n’est pas égalité
Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l’article 3 de la Constitution prévoit que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Cette réforme a permis l’adoption de la loi du 6 juin 2000, dite « loi sur la parité », qui oblige les partis à présenter, dans tous les scrutins de liste, une moitié de candidats de chaque sexe. Européennes, sénatoriales, régionales, municipales et désormais départementales, autant d’élections où la parité est la règle. Mais l’égalité stricte et imposée peut-elle vraiment être considérée comme une égalité ? Il est largement permis d’en douter.
La première raison est que même si la loi est claire concernant l’alternance des sexes, on se rend vite compte de ses limites au moment de s’intéresser aux têtes de listes. Lors des élections municipales héraultaises de 2014 dans les communes de plus de 1000 habitants, seules 15% des candidats têtes de listes étaient des femmes (64), les 85% restants étant des hommes (354). A Montpellier, le taux était de 33% de femmes (3) et 66% d’hommes (6). Cette différence criante se rapporte donc logiquement au niveau des résultats. Suite à ces élections, le département de l’Hérault compte désormais 343 maires, dont 85.71% d’hommes (294) et 14.29% de femmes (49).
La seconde raison est qu’après être majoritairement écartées des premières places, les femmes ne sont pas toujours en possession du pouvoir qu’elles devraient avoir. A Montpellier, le maire et président de la métropole, Philippe Saurel, met en place une parité absolue. Après avoir présenté une liste paritaire, le maire de Montpellier a alterné homme et femme pour les postes d’adjoint-e-s. Ce que la loi ne l’impose pas. Elle oblige cependant à ce que le nombre d’adjoints de chaque sexe ne soit pas séparé par un écart supérieur à un. Au niveau de la métropole, Philippe Saurel a aussi décidé de mettre en place une parité au sein des vice-président-e-s alors qu’aucune loi n’y fait mention. Il y a donc onze hommes, Philippe Saurel compris, et neuf femmes. Derrière ce tableau qui semble idyllique, la situation est toute autre. En effet s’il y a bien une chose où la parité ne peut rien, c’est bien face à l’autocratie. Depuis le début de son mandat Philippe Saurel s’accapare tous les pouvoirs et va même jusqu’à se dire « adjoint à tout » (La Gazette de Montpellier – 22/01/2015). Dans ces conditions, les responsabilités de personnes pourtant élues sont vidées de leur substance démocratique par un seul homme. Même si les femmes ne sont pas les seules à être touchées par cette pratique, cela montre une autre limite à la volonté de forcer l’égalité.
Comme le dit Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités : « 50 % de femmes députées ou chefs d’entreprise, pour quoi faire ? L’égalité hommes-femmes passe par une remise en cause du fonctionnement de l’entreprise, de la famille ou de l’école ». Avec deux exemples locaux, on voit bien que la loi sur la parité peut-être facilement dénaturée et n’a pas vraiment de sens. Elle ne peut-être vue que comme un pansement temporaire, de sorte à nous habituer à la présence de femmes dans les hémicycles mais aussi à patienter le temps que l’égalité, non pas du nombre mais des chances, voit le jour. Or,pour trop de monde, elle est une finalité. Dans le cas de Philippe Saurel, on voit bien l’écart qu’il peut y avoir entre ce qui est écrit sur le papier et la réalité. L’égalité ne sera atteinte que quand les cases et les carcans, construits depuis des siècles et cantonnant la femme à une place bien précise, seront explosés. La loi du 8 juillet 1999 parle d' »égal accès des femmes et des hommes » et non d’égalité stricte. Grosse nuance qui remet en cause toute une société, tout notre quotidien.
La rue, reflet d’une société
Un détail pour certains, des futilités pour d’autres, les noms de rues sont pourtant très révélateurs de notre société. Mélanges de personnalités ayant marquées l’Histoire et de décisions des municipalités, voilà un cocktail qui hier comme aujourd’hui montre bien que l’égalité est encore loin. En France, seules 2% des rues portent des noms de femmes. A Montpellier, l’open data de la ville a récemment mis à disposition une donnée intitulée « Genre des rues de Montpellier ». La carte parle d’elle même : en bleu les noms masculins, en rose les noms féminins (voilà un autre cliché tenace) :
La situation est la même concernant les stations de tramways, aucune ne porte un nom de femme. Alors que le bouclage de la ligne 4 est en cours, les équipes de Philippe Saurel ont dû trouver les noms des trois stations qui vont sortir de terre. Mais là encore, pas de femmes. Face à cette différence manifeste, synonyme de difficulté pour les femmes d’accéder aux grandes fonctions mais aussi de manque de volonté politique des municipalités, des artistes montent au créneau. A Montpellier, Myss Terre, une artiste urbaine, s’est amusée à rebaptiser certaines rues. « 8 noms de femmes (plus ou moins célèbres) remplacent des noms d’hommes (là aussi, plus ou moins célèbres…). Ces huit femmes ont été (ou sont) féministes », écrit-elle sur Facebook. Avant d’ajouter : « A leur façon, elles abordent la condition des femmes. Leurs idées ne se rejoignent pas forcément. Le « Féminisme » ne signifie pas la même chose pour chacune d’entre elles. Mais pour leur engagement auprès des femmes, ici, je leur rend (un peu) hommage. »
Miss France, la sexisme touch
Alors que la municipalité de Chivilcoy en Argentine a décidé de bannir les concours de beauté, Philippe Saurel, le maire de Montpellier semble plus que jamais obstiné à organiser le concours Miss France dans notre ville. Située près de Buenos Aires, la commune de Chivilcoy a pris la décision d’interdire un concours de beauté qu’elle accueillait chaque année. La mairie considérant que ces concours « renforcent l’idée que les femmes doivent être estimées et récompensées seulement pour leur apparence physique, basée sur des stéréotypes ». « Ce sont des pratiques discriminatoires et sexistes » ainsi que des « actes de violences symboliques et institutionnelles contre les femmes », déclare l’arrêté. Le concours sera remplacé par d’autres événements qui récompenserons « les personnes entre 15 et 30 ans qui, de manière individuelle ou collective, se sont démarquées à travers des activités bénévoles visant à améliorer la qualité de vie des alentours, dans la ville ou dans le district ». Voilà une initiative que Philippe Saurel aurait pu ramener de ses dernières vacances d’été passées en Argentine.
Il fait tout le contraire. Ainsi, quand il était encore adjoint à la culture, Saurel s’était engagé auprès de Sylvie Tellier, directrice générale de la Société Miss France, à organiser le concours à Montpellier. Drôle de vision de la culture. En juin 2014, celui qui est alors devenu maire de Montpellier a officialisé la candidature de la ville au concours pour qu’il se tienne à l’Arena. Le maire a même nommé sa septième conseillère municipale, Khanthaly Phoutthasang, « Déléguée à l’Organisation de Miss France 2016 à Montpellier ». Pour cette dernière,« il s’agit de faire rayonner la ville, de la mettre sous la lumière, à l’image de la Fête de la musique le 21 juin ». « Cela rentre dans la lignée des engagements passés lorsque Philippe Saurel avait fait entrer dans la baronnie de Caravètes Emmanuelle Fabre, Miss Montpellier puis Languedoc en 2012, en déclarant : « Montpellier a toujours été réputé pour la beauté et la fraîcheur de ses dames. » », commente Midi Libre. Mais la bataille pour savoir quelle ville dégradera le plus l’image de la femme sera rude. En effet Lille et Calais sont aussi dans la course.
Paroles de femmes
Alors que la municipalité de Philippe Saurel se vante d’être à la pointe de l’égalité hommes/femmes, parité à l’appui, on voit bien que tout cela ne vaut rien face aux pleins pouvoirs du maire. Ce dernier ne daigne même pas baptiser les futures station de tramway de la ligne 4 avec des noms féminins. En revanche il s’efforce de faire que Miss France 2016 se déroule à Montpellier. Une vision assez superficielle de la femme pour celui qui avait pris Malala, militante pakistanaise des droits des femmes, comme icône de sa campagne municipale. Alors que la mairie inaugure l’exposition « paroles de femmes » à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, certaines n’ont pas attendu cette date pour prendre la parole. A l’instar de Sabria Bouallagua, 14e Adjointe, qui s’est livrée à Midi Libre. « On ne peut pas se revendiquer de Jaurès et la fermer », lance l’élue. Tout en admettant ne pas être « très à l’aise dans un schéma où il faut demander la permission pour tout », elle le dit : « Il faut arrêter de se cacher derrière le maire ». Oui, il est temps que la démocratie reprenne sa place, pour le plus grand bien de la population et des élu-e-s qui pourront lutter efficacement pour l’égalité hommes/femmes. Car outre la communication pour « faire rayonner la ville », Montpellier peut agir contre les inégalités !
Bravo pour votre article qui a le mérite de lancer le débat sur la place que M.Saurel accorde aux femmes.
Pourtant, je trouve votre point de vue bien sévère et pas suffisamment argumenté. Vous ne pouvez résumer l’action politique dans ce domaine du maire à la seule action de candidature pour le concours de miss France. Pour ce que j’ai vu en suivant les conseils municipaux, je pense que vous noircissez le trait et que cela s’inscrit dans la tendance actuelle de beaucoup de personnes qui décrient notre nouveau maire dès qu’ils déplorent une de ces décisions. Pour moi, le conseil municipal est réellement animé par des femmes et des hommes politiques qui expriment une diversité et une nouvelle conception « de faire la politique ». Mme Bouallaga fait partie de ces élus dont j’admire le courage et le franc parler. Je n’ai pas eu la teneur de ses propos donc je ne pourrai en parler.
Vous avez raison pour la belle initiative de la commune de Chivilcoy mais dire qu’un concours de beauté est un des « actes de violences symboliques et institutionnelles contre les femmes » c’est aussi exagérer le trait.
Vous avez raison, restons vigilants à ce que notre Maire soit plus exemplaire, mais SVP pas de polémique trop réductrice sans plus d’argumentation de votre part.
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Bonjour,
Tout d’abord grand merci de donner votre avis.
En effet cet article ne va pas dans une argumentation poussée dans le concret. Il ne fait que survoler la partie visible, qui concerne la communication autour de la femme (rues, concours, propos vantant la parité). Mais c’est aussi le terrain favori de notre maire Philippe Saurel et le terrain de cette « journée de la femme », comme elle est renommée, après récupération commerciale. Le but étant de déconstruire toute cette illusion et d’en voir les limites sur ce même terrain. Il faut passer par là, ça à l’air futile mais c’est la partie la plus visible. Or l’égalité c’est au quotidien et surtout dans les têtes. Pour le concret il y a quelques chiffres quand même (taux d’activités, rémunération, nombre de têtes de listes…). Il est bien évident que la politique montpelliéraine ne se cantonne pas à Miss France 2016. Mais c’est symptomatique de toute une façon de raisonner.
Pour un vrai bilan nous ferons des articles sur la pauvreté ou encore les conditions de vie des familles monoparentales, comprenant majoritairement des femmes. Mais un article doit se donner un axe, ici il s’agissait plutôt de partir des effets, ou non effets, d’annonces pour en faire sortir une logique de fond. Et les deux sont très liés.
Cela à au moins le mérite d’ouvrir le débat en arrivant à la démocratie et donc la parole aux femmes (aussi).
Quant aux conseils municipaux et de métropole ils sont très centrés sur M.Saurel qui fait la pluie et le beau temps en y prenant un malin plaisir. Les conseillers ont pour tâche, au mieux, de lire une feuille pré-remplie. On a vu plus animé.
En ce qui concerne l’initiative de Chivilcoy elle est en effet intéressante. La phrase « actes de violences symboliques et institutionnelles contre les femmes » est issue de l’arrêté de la municipalité argentine et non de ce blog. Cette dernière ne mâche pas ses mots mais à le mérite de tenir sa position, dans la forme comme dans le fond.
Vive le débat, qui ici n’a rien de violent, en tout cas en ce qui nous concerne. Cet article est tout de même argumenté, dans son domaine, certes.
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