La campagne des élections départementales prend son envol dans l’Hérault à l’abri des citoyens. Difficile d’y voir clair à quinze jours du premier tour dans le contexte d’une réforme territoriale totalement inaudible pour qui ne plonge pas dans les textes officiels. Les médias en font le minimum syndical relayant la propagande insipide de candidat-e-s qui semblent, pour le coup, totalement à côté de la plaque. Ils piochent ici ou là des thèmes dans le vent démontrant qu’ils ne connaissent pas la collectivité au sein de laquelle ils prétendent représenter leurs concitoyen-ne-s. Pourtant, avec un simple ordinateur, une connexion Internet et un peu de jugeote, ils pourraient offrir une campagne digne des enjeux du département.
Le soir du 22 mars prochain, les plateaux de télévision et de radio risquent de recueillir les sempiternelles pleurnicheries de personnalités politiques sous le coup d’une abstention massive et d’une énième montée du Front national dans les urnes. Le numéro est dorénavant bien rôdé. Et quelque peu lassant au vu des campagnes électorales qui ne favorisent qu’un FN tapi dans l’ombre de l’incompétence de ses adversaires.
Le fond politique n’a toujours pas véritablement émergé dans l’Hérault en général et à Montpellier en particulier. Les programmes en sont à l’état de caricatures et à gauche, les idéaux sont relayés au placard. Les candidat-e-s n’ont pas appréhendé suffisamment la réforme territoriale qui diminue le rôle du département au profit de méga-régions et de métropoles. Le résultat dans les médias est dramatique : les futurs élus enfilent des banalités comme arguments de campagne. Les 750 000 électeurs de l’Hérault ont de quoi rester dubitatifs.
Les vieux ? Pas de budget !
Nos cher-e-s candidat-e-s n’ont pas l’air d’être de fins comptables. Effectivement, à droite comme à gauche, les propositions ne sont pas budgétisées et sont écrites tels des vœux pieux sur des tracts papier-glacé. Faut-il leur expliquer que le budget 2015 vient pourtant d’être voté et qu’il fixe le cadre du début de la prochaine mandature ? Pour cela, ils n’avaient qu’à ouvrir le dernier numéro du magazine du Conseil général : L’Hérault.
Dans l’article intitulé : « Trouver le bon équilibre », on y apprend que le budget est « fixé à 1,379 milliards d’euros » pour financer « la politique sociale départementale, l’aménagement et le développement économique du territoire, l’éducation, les transports, le sport et la culture pour tous. » Deux éléments primordiaux sont à retenir pour qui compte briguer un siège de conseiller départemental. D’abord, un trou de 17,4 millions d’euros en 2015 dû à la baisse des dotations de l’État. Ensuite, la hausse annuelle de 10,6% correspondant aux dépenses en augmentation liées au Revenu de solidarité active (RSA). Cette hausse annuelle représente tout de même 21 millions d’euros en 2015 !
Les candidats se rappellent-ils qu’ils évoluent sur un territoire en souffrance sociale ? Avec 14,3% de chômage enregistré au deuxième trimestre 2014, l’Hérault « est le département le plus sévèrement touché de France après les Pyrénées-Orientales. » Le magazine L’Hérault parle même de « situation économique et sociale délétère » qui a deux conséquences. Primo, « l’explosion des demandes d’allocations sociales ». Deuzio, « un ralentissement des transactions immobilières, entraînant une baisse des droits de mutation perçus par le Département. »
La majorité actuelle a certes trouvé des axes d’économies. Libre à ses successeurs de les assumer ou pas. Parmi ces axes, « la suppression, par redéploiement, de 150 postes sur trois ans et le ralentissement de certaines aides sociales, comme (…) l’allocation personnalisée d’autonomie. » À nos candidat-e-s d’expliquer comment ils vont mettre en œuvre « le ralentissement » de cette aide pour les personnes âgées. Surtout que la demande d’une aide sociale relève de l’égalité républicaine. Nos têtes blanches devront-elles alors se précipiter dans de coûteuses maisons de retraite ? Aucun candidat ne répond sur cet axe très concret.
Candidats anti-social
L’action sociale représente tout de même 58% du budget du département ! Et ne comptons pas sur la droite pour en faire son fer de lance. Le groupe d’opposition de droite « Démocratie et République » au Conseil général pointe du doigt l’aménagement à « grands frais des domaines d’art et de culture ou d’avoir décidé de faire édifier le fastueux et très coûteux bâtiment Pierresvives ». Mais ne pipe mot sur les « attentes prioritaires des Héraultais », titre de leur texte. L’alliance UMP-UDI s’engage à généraliser les caméras de vidéosurveillance dans les collèges. Pas sûr que cela constitue une attente prioritaire des Héraultais.
Le binôme PS Delafosse-Henry (2ème canton de Montpellier) est le seul à prendre la posture de l’expert comptable en s’engageant à ce que « le Département vote une subvention à hauteur de 24 millions d’euros pour (la) réalisation » de la ligne 5 du tramway (Midi Libre – 06/03/15). Manque de bol, le tram n’est pas du tout de la compétence du Département. Et comme nous l’avons vu précédemment, ces 24 millions seront plus utile à la hausse annuelle des dépenses de RSA de plus de 20 millions d’euros. Le pire, c’est qu’ils ne sont pas les seuls à être à côté des choux !
En mal de compétence
S’il y a bien un domaine où les candidats aux départementale font preuve d’originalité c’est bien dans le choix de leurs thèmes de campagne. Ainsi, beaucoup comme le PS revendique la mise en place de la ligne 5 du tramway dont la décision reste dans les mains de l’hyper-Saurel. Les écologistes affublés du Parti de Gauche sur le deuxième canton de Montpellier font du projet de la gare de la Mogère leur « principal cheval de bataille », écrit Midi Libre (06/03/15).
Là encore, le Département n’a rien à voir avec cette infrastructure où pour le coup il ne versera pas un centime. EELV et PG ont ainsi offert une scène de grand guignol en invitant les journalistes sur la zone même du projet en présence de René Revol, maire de Grabels et vice-président de la métropole de Montpellier. Ce dernier tente de se refaire une virginité de gauche après avoir menacé d’attaquer Montpellier journal, titre de presse indépendant. « On est en quelque sorte les premiers Zadistes de La Mogère », a lancé le révolutionnaire de salon qui vote tous les projets de la métropole sans ciller.
Les femmes du Front de gauche ont aussi tenté une opération de communication qui, à y regarder de plus près, fait flop. Profitant de la veille de la journée internationale des droits des femmes, elles se présentent ensemble à une conférence de presse : « Il faut un véritable service public de la petite enfance », lance la communiste Isabel Cabeca, candidate sur Montpellier I. Raté ! Pour l’enfance, les compétences du Département sont : la protection maternelle et infantile, l’adoption et le soutien aux familles en difficulté financière. Les crèches sont du ressort de la municipalité.
« Le territoire visible des invisibles »
Les candidat-e-s argueront que, dans le contexte actuel, les compétences n’ont pas encore été réparties entre région et métropole. C’est qu’ils n’ont pas lu l’interview de Claudy Lebreton (PS), président de l’Assemblée des départements de France (ADF). « Les départements sont sauvés », lance-t-il à La Gazette des communes qui écrit que les départements « conserveront la plupart de leurs compétences dans la future loi sur l’organisation territoriale de la République (NOTRe). »
Les départements en tant qu’ « entités administratives » restent « une des composantes de l’organisation de l’Etat définie par la Constitution. Donc, pour supprimer une collectivité, il faut une réforme constitutionnelle », rappelle Lebreton. Paraphrasant le géographe Christophe Guilluy, il parle du département comme « le territoire visible des invisibles » qui « conservera tout le bloc social ». Le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) restent donc sous sa couple.
Dans cet interview, on apprend que les départements conserveront la responsabilité des collèges mais perdront « les transports, scolaires et interurbains, à l’exception du transport des handicapés. » Ils garderont en revanche « les routes, la sécurité civile, conjointement avec les communes, la culture avec les archives départementales, la lecture publique et les schémas artistiques à l’école, la sécurité alimentaire… » Le volet économie et emploi leur échappera « mais il reste tout le champ des compétences partagées avec les régions : le tourisme, le numérique, la jeunesse et le sport », poursuit le président de l’ADF.
Malgré toutes ces informations, il y a de grandes chances que le cirque électoral se poursuive ainsi jusqu’au 22 mars. La majorité des candidats évitent soigneusement d’organiser des réunions publiques. En même temps, qu’auraient-ils à raconter ? L’enjeu majeur reste le combat contre la baisse des dotations de l’État. Cela conditionne, entre autres, les ressources nécessaires au paiement et au suivi des bénéficiaires du RSA, budget important du département de l’Hérault. Mais la pauvreté n’a jamais fait un thème de campagne attrayant. Tout comme le handicap, compétence phare de la collectivité ! On attendrait aussi beaucoup du côté du sport, formidable levier d’émancipation et de cohésion sociale. Là encore, ne cherchez pas d’engagements. En un mot, c’est la solidarité qui est évacuée des programmes. Un élément qui donne la mesure de ce qui attend les Héraultais.
je te trouve bien amer …et tu te trompes parfois . Sur la question des créches par exemple , le département peut tout à fait intervenir par la création de créches « départementales », cela existe déjà dans d’autres départements. En ce qui concerne les réunions publiques, là aussi je te trouve bien sévère : dans mon canton, le 10° , celui de Lattes les candidats de la liste « pour un autre avenir » , soutenue par le fdg, organisent des réunions dans toutes les communes mais il est vrai que la presse locale ne leur laisse guère de place.
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Je ne suis pas amer. Après il est vrai que les candidats peuvent dévier des compétences du département en estampillant tout et n’importe quoi de « départemental ». Quid des propositions sur le RSA, le handicap, le sport, etc. ? Je rappelle que ce blog se cantonne à Montpellier et que nous n’étudions pas l’ensemble de l’Hérault. Mais nous acceptons allègrement les critiques et le débat ! 😉
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