Ce samedi après-midi, le comité BDS 34 organisait un rassemblement pour la liberté d’expression. Au cœur de leur revendication : le droit de tenir leur stand d’information sur la cause palestinienne, ce qui n’était pas du goût du préfet de l’Hérault et du maire de Montpellier qui interdisent leur expression. Aujourd’hui, les deux hommes viennent de franchir le Rubicon. Pas de roses sans épines ! a assisté à un déferlement de violence des forces de l’ordre sur des militant-e-s de la liberté d’expression. « Depuis plus de 10 ans le mouvement de solidarité à la Palestine et depuis 6 ans le comité BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) France 34 tient un stand sur la Place de la Comédie. Pas une seule fois la police n’a eu à intervenir ou à déplorer un quelconque incident », explique le BDS 34 sur l’appel à son événement qui a eu lieu cet après-midi. Le BDS connu pour ses actions de boycott des produits israéliens comme celles consistant à enlever lesdits produits des rayons est désormais l’objet d’une censure sur la place publique. Midi Libre en rendait compte ainsi dans son édition du 12 avril 2015: « Le préfet a précisé ce vendredi qu’il tenait à ce que les actions menées par le comité BDS, actuellement sous le feu des critiques de la Ligue des droits de l’homme et de la Licra, bénéficient d’un cadre légal précis. Une exigence qui s’adresse en fait à la Ville, compétente pour autoriser, ou refuser, toute action sur son domaine public. »
Cet après-midi donc, le BDS appelait à se rassembler sur la place de la Comédie pour conserver le droit de manifester. Ses militants étaient soutenus dans l’action par, entre autres, l’Association des Palestiniens du Languedoc-Roussillon, la CIMADE , le Collectif des Musulmans de France et l’Union Juive pour la Paix 34. La liberté d’expression est le pilier de notre République comme l’expliquait en son temps un certain Robespierre : « Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l’homme à l’état social, le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumière et de bonheur dont il est susceptible. » Aujourd’hui, le préfet de l’Hérault et le maire de Montpellier ont relégué au placard l’humanisme d’une République fraternelle pour le coup de bâton d’un système politique violent en préférant jouer les brutes.
Militants pacifiques versus policiers violents
À 14h, jeunes et moins jeunes, hommes, femmes accompagnés d’enfants investissent la place de la Comédie scandant leurs revendications. « LIBERTÉ D’EXPRESSION » est écrit lettre par lettre sur des grands cartons posés aux pieds des militant-e-s. Sous un soleil automnal, l’ambiance est conviviale. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’un policier municipal s’approche du stand et engage la discussion avec un représentant. Puis, l’agent municipal se retire dégainant son talkie-walkie. Quelques minutes plus tard, des policiers nationaux font leur apparition. Les militants restent calmes et pacifiques. Les policiers décident de s’approcher du rassemblement à l’heure même où étaient convoqués les journalistes pour une conférence de presse. À l’approche des forces de l’ordre, les militant-e-s se regroupent autour du stand de la discorde. Ni une, ni deux, des policiers en uniforme et d’autres en civils siglés « POLICE » s’emparent du stand avec la volonté de le mettre à sac.
D’un coup, tout part en vrille ! Quand les citoyens abasourdis par cette débauche de violence tentent de défendre leur stand, ils se font charger. Ainsi, les policiers fondent dans le tas, repoussent violemment les militant-e-s. L’un d’eux, la soixantaine dépassée, qui ne faisait pourtant que porter une pancarte se fait ainsi pousser par un policier. L’homme tombe à la renverse et se frappe l’arrière du crâne sur les dalles de la place. Des citoyens lui viennent en aide pour le relever. Plus de peur que de mal. Un jeune reçoit lui un coup tout aussi violent à la gorge. Il invective le policier ainsi : « c’est ça la République ? » « La République, c’est les ordres qu’on me donne ! », lui rétorque le fonctionnaire d’État qui n’a certainement jamais lu Robespierre. Les policiers municipaux font partie du dispositif en créant une sorte de cordon entre le centre de l’échauffourée et le reste. D’autres soutiens de la liberté d’expression qui tentent de maintenir en place le stand se font broyer les doigts. Beaucoup de militants se font éjecter par la police dans une violence incompréhensible au vu de la sérénité du rassemblement.
La « banalité du mal » sur une place centrale
Finalement, les militant-e-s auront eu gain de cause ! La police se retire sous les cris de la foule qui a grossit entre temps. Le stand fortement abîmé par les forces de l’ordre n’aura pas bougé de place. La citoyenneté républicaine l’emporte sur la sauvagerie et la violence d’État. Choqués par ce que nous venons de voir, nous décidons d’interpeller la police. L’agent des renseignements généraux sur place se défend : « j’obéis aux ordres, c’est à vous de vous calmer ». Disons que ce fonctionnaire a un certain sens de l’humour. Nous nous dirigeons ensuite vers un groupe métissé de policiers municipaux et nationaux. Nous les invectivons : « vous êtes fiers de ce que vous faites ? » Ils jouent les vierges effarouchées : « de quoi ? » « Attaquer le stand d’une organisation pacifique », leur répond-on. « On obéit aux ordres ! », lance la femme de la police nationale. « Vous en tant qu’individus, ça ne vous dérange pas d’attaquer des femmes avec des enfants qui défendent une cause ? » « C’est les ordres ! », répètent les robots en uniforme. « Tout ça, ça me donne juste envie de pleurer ! », conclut l’un de nous. « Vous voulez un kleenex ? », lance la femme sans humanité dans un mépris total.
Cette attitude qui porte les dérives d’un régime n’est pas sans rappeler l’analyse de la philosophe Hannah Arendt qui a définit la banalité du mal après la Seconde guerre mondiale. « Ce concept pose des questions essentielles sur la nature humaine : l’inhumain se loge en chacun de nous », écrit Wikipédia. La seule chose pour ne pas « sombrer dans cette banalité du mal » est de « continuer à « penser », c’est-à-dire s’interroger sur soi, sur ses actes, sur la norme. » Et Wikipédia de conclure : « Hannah Arendt a montré pourquoi la pensée humaine était un rempart contre le totalitarisme. » Cet après-midi, les citoyens ont continué à penser.
Ces faits qui ont eu lieu sur la place de la Comédie à une heure de grand passage doit inquiéter sur l’évolution du rapport du pouvoir envers les citoyens. Le préfet de l’Hérault a déjà un triste CV. Après avoir été directeur de la DST (Direction de la sécurité du territoire), Pierre de Bousquet de Florian est nommé préfet du Pas-de-Calais en 2009. C’est lui qui sous le président Sarkozy et son ministre Éric Besson a démantelé la Jungle de Calais, « campement de sans-papiers en attente d’un passage en Angleterre » (Montpellier journal – 05/01/2013). L’humanisme n’est donc pas sa principale qualité. Quand au maire-candidat aux régionales Philippe Saurel qui se gargarise de citoyenneté, ordonner à sa police municipale de participer à de telles exactions montre le vrai visage d’un politique qui n’entretient l’illusion que dans un marketing politique tout aussi agressif. Autorisation d’occupation du domaine public ou pas, ce déferlement de violence est le résultat d’un choix politique ! Le plus grave dans cette histoire est que la répression de la liberté d’expression se fait sous le sceau de la République. Mais la résistance doit perdurer comme nous l’a enseigné Robespierre :
« Mais que tout homme qui a conservé le sentiment de sa dignité puisse dévoiler les vues perfides et la marche tortueuse de la tyrannie ; qu’il puisse opposer sans cesse les droits de l’humanité aux attentats qui les violent, la souveraineté des peuples à leur avilissement et à leur misère ; que l’innocence opprimée puisse faire entendre impunément sa voix redoutable et touchante, et la vérité rallier tous les esprits et tous les cœurs aux noms sacrés de liberté et de patrie ; alors l’ambition trouve partout des obstacles, et le despotisme est contraint de reculer à chaque pas ou de venir se briser contre la force invincible de l’opinion publique et de la volonté générale. »
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Article très bien écrit! Vous avez bien retranscris les événements. C’est triste de vivre ça et de réaliser que le bâton du pouvoir est toujours au dessus de nous !
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On comprend bien que rien n’est acquis! même lorsqu’une république se targue d’être le berceau de la révolution pour la démocratie! bien que chère payée, la démocratie reste fragile lorsque le système en place a des parti-pris, deux poids deux mesures etc… En effet ce sont les citoyens qui sont les gardiens de la démocratie par de tels rassemblements qu’il faut maintenir. DONC VIGILANCE VIGILANCE.!
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Le préfet Pierre de Bousquet de Florian n’a-t-il aucun autre rapport qu’homonymique avec le préfet René Bousquet ? Encore un « criminel de bureau » ?
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