Les élus de la mairie et de la métropole de Montpellier ont donné leur blanc-seing à la loi Macron en votant à la majorité le travail pour sept dimanches. Philippe Saurel et ses aficionados ont beau jeu de se réclamer de Jean Jaurès. Contrairement à lui, ils se conforment au désir du patronat.
Adoptée le 10 juillet 2015, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron » entend réformer certains secteurs de l’économie française. Proposé par le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique éponyme, Emmanuel Macron, ce texte était au départ un véritable fourre-tout. En effet sa loi proposait notamment de valider le centre de stockage des déchets radioactifs à Bure dans la Meuse ou encore d’assouplir la loi Évin réglementant la communication sur la vente d’alcool. Après un petit recadrage par le conseil constitutionnel, la hotte du père Macron pleine de cadeaux pour ses anciens collègues de la banque Rotschild où il fut banquier d’affaire n’en est pas moins néfaste pour les « sans-dents ». Assouplissement des règles de licenciement, libéralisation des lignes de cars, vente des actifs de l’État dans quelques entreprises ou encore la généralisation du travail en soirée et le dimanche. Pour le syndicat Sud Solidaires pas de doute, la loi Macron c’est la « loi des patrons ! ». Un package libéral tellement dur à faire avaler que le gouvernement ne s’est pas risqué à le faire voter en assemblée, lui préférant l’article 49.3 pour passer en force comme le permet notre démocratie. À Montpellier les effets de cette loi commencent à se faire sentir et loin de résister, la ville et la métropole se soumettent sans broncher.
La municipalité se résigne
Concernant le travail dominical, la loi Macron étend le pouvoir des collectivités. En plus des cinq ouvertures des magasins le dimanche déjà possible, le texte de loi permet d’aller jusqu’à douze jours, soit sept dimanches supplémentaires. Philippe Saurel, maire de Montpellier, n’a pas tardé à user de son nouveau pouvoir. Dès le 29 novembre, tous les derniers dimanches de l’année 2015 ont été déclarés marchands. Hasard du calendrier le 29 novembre était le jour de l’interdiction préfectorale des marches pour le climat dans toute la France dont l’Hérault. Il était donc possible de se ruer dans les centres commerciaux mais pas de participer à des « manifestations tendant à l’expression de revendications ou d’opinions ». Un ordre hypocrite du préfet, très mal accueilli par les organisateur de la marche. Mais en plein état d’urgence il faut plus qu’une incohérence à Philippe Saurel pour faire cesser cette mascarade commerciale. Après tout, money is money. C’est donc sans gêne que l’édile a ajouté deux dimanches à sa liste, le 10 janvier et le 22 mai 2016. Au total ce sont donc sept ouvertures dominicales qui ont été décidées par Philippe Saurel.
Le 17 décembre le travail du dimanche était justement à l’ordre du jour du conseil municipal. Un grand nombre de syndicats locaux dont la CFTC, la CGT, FO et Sud Solidaires avait adressé une lettre ouverte aux élus montpelliérains. Pour ces organisation syndicales, la « banalisation du travail dominical constitue une série de contresens ». Tout d’abord un contresens en terme d’emploi : « A chiffre d’affaires égal, l’artisanat et le commerce de proximité emploient trois fois plus de personnes que la grande distribution. Une ouverture généralisée des grandes surfaces le dimanche serait de nature à détruire des milliers d’emplois dans ces deux secteurs ». Un contresens économique également, « l’ouverture des magasins le dimanche sera sans effet sur une relance de la croissance. On voit mal comment les consommateurs dépenseraient le dimanche l’argent qui leur manque la semaine« , expliquent les syndicats.
Un contresens social pour ceux qui pensent que le repos dominical est « un moment de cohésion sociale structurant de la société française » mais aussi un contresens pour l’égalité femmes/hommes car « pour les mères de familles et notamment les familles monoparentales le travail du dimanche n’est pas compatible ». Enfin les syndicats pointent un contresens écologique et démocratique, à l’heure de la COP21, ils affirment que le travail du dimanche « génère un surcroît de consommation énergétique (augmentation du trafic routier, hausse de la consommation électrique) » et rappellent que « la loi Macron a été adoptée sans majorité parlementaire par le 49.3« . « L’ensemble des organisations syndicales des salariés ainsi que la CGPME et l’UPA se sont prononcés contre. Seul le MEDEF s’est prononcé pour », insistent les syndicats. Malheureusement cette série d’arguments n’aura que peu d’effets sur le vote des élus.
Lors du conseil municipal, Philippe Saurel ne citera même pas les syndicats pour justifier ses choix. Pour lui les « acteurs économiques » se résument à « la chambre des métiers, les concessionnaires auto, les représentants des magasins de meubles, la CAPEB ». Les salariés ne sont donc pas ici considérés comme essentiels, chose que ne manquera pas de signifier Sabria Bouallaga dans sa prise de parole : « Est-ce qu’on a d’ailleurs demandé à ces gens qui sont quand même un minimum représentés au sein de ces entreprises par des gens qui sont élus également ? Est-ce qu’on leur a demandé leur avis ?« . Pas de réponse du maire, pour lui « la côte mal taillée qui arrangeait à peu près tout le monde était de sept dimanches ». Facile de trouver ce genre de compromis sans aucun salarié autour de la table. De son coté, Hervé Martin (MdP) n’a pas du tout été convaincu par la capitulation et les approximations de Philippe Saurel. Ce dernier redoute que le maire ne décide d’octroyer encore plus de dimanches aux grandes entreprises et rappelle un article fondamental du Code du travail : « Dans l’intérêt des salariés le repos hebdomadaire est donné le dimanche (…). La loi Macron qui a été imposée grâce au 49.3 va à l’encontre de l’intérêt des salariés », en conclut l’élu. Au final seuls cinq conseillers municipaux s’opposeront à cette extension du travail dominical face à une imposante majorité composée notamment de la droite locale et préférant suivre la décision du maire.
La métropole s’agenouille
Un jour avant, le 16 décembre, c’était au conseil de Montpellier Méditerranée Métropole que le travail du dimanche était en débat. En effet, si les municipalités peuvent en autoriser cinq, au delà, c’est au niveau intercommunal que la décision doit être prise, comme l’indique la loi : « Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI, ndlr) à fiscalité propre dont la commune est membre ». Il était donc question de délibérer sur les prévisions des communes concernées telles que Lattes, Le Crès, Pérols, Saint-Jean-de-Védas et bien sur Montpellier. Pour Philippe Saurel, président de la métropole, le débat a été vite clos : « la décision est essentiellement communale, la métropole dans ce cas agit comme une chambre d’enregistrement », a t-il débuté. Une façon de rejeter la patate chaude du travail dominical dans les mains des maires. Pourtant, même si le texte de loi est flou, la métropole se doit de donner un avis. S’il n’est pas conforme aux desiderata des maires, la métropole peut bloquer la décision. Mais un nombre important d’élus qui la compose restent en tout cas poreux aux lobbys patronaux comme l’explique Isabelle Guiraud, maire « Les Républicains » de Saint-Jean-de-Védas : « Je suis partisante de laisser les entreprises choisir » et ce malgré une discussion avec les « organisations syndicales », qui bien évidement ne font pas partie des entreprises.
Il est amusant de voir la métropole priée de ne pas s’étendre sur un sujet qui va pourtant dicter notre vie quotidienne dans le domaine économique et social. Henri Rouilleault, élu PS de Castelnau-le-Lez, proposera la création d’un comité de suivi métropolitain sur ce sujet qu’il juge « sensible ». Il n’en sera rien. Pourtant « la loi Macron donne une compétence à l’EPCI (la métropole, ndlr) », se défend l’élu. Suite à ce refus Henri Rouilleault votera contre, ce qu’il lui vaudra une petite remarque de la part de Philippe Saurel : « Ça me fait plaisir de voir des socialistes contre la loi Macron ». C’est qu’au fond il s’agissait bien d’un vote pour ou contre cette loi. Son vote réfractaire sera accompagné de celui d’Hervé Martin qui lâchera plus tard sur les réseaux sociaux : « Dans l’intérêt des salariés j’ai voté contre car il est hors de question que je délivre un avis favorable sur cette question. D’autres comme René Revol, leader du Parti de Gauche, ont voté pour et donc délivré un avis favorable !« . Remarque pertinente car le Parti de Gauche se dit farouchement opposé au travail du dimanche, un point qui semble avoir échappé au vice-président René Revol. Il faut dire que tout comme un salarié ne s’opposera pas à son patron pour travailler le dimanche par peur d’être licencié et sous couvert de « volontariat », un vice-président ne votera pas à l’encontre de Philippe Saurel par peur de perdre près de 3000 euros d’indemnité sous couvert de « démocratie ».
Jean Jaurès n’est plus tendance
Le combat autour du repos dominical ne date pas d’hier, en effet Jean Jaurès, figure historique de la gauche française, ferraillait déjà en son temps pour préserver cet acquis. En 1906 tandis qu’il était député du Tarn, Jean Jaurès écrivait dans son journal, L’Humanité, une tribune intitulée : « Pour le Repos Hebdomadaire ». « En principe et comme règle, la loi établit le repos simultané, en un même jour qui est le dimanche. Elle n’a pas voulu par là consacrer « le jour du Seigneur » […]. Tous les républicains se sont préoccupés d’assurer à la classe des salariés, ouvriers et employés, un jour de repos fixe par semaine, dans les conditions qui répondaient le mieux aux habitudes de la classe ouvrière elle-même », débute le leader socialiste. Il poursuit : « Il y a un double intérêt pour les travailleurs à ce que ce repos soit, le plus possible, simultané. D’abord, les ouvriers trouvent plus de joie dans le repos goûté en commun, quand un même jour de relâche ou de fête permet à la famille et aux amis de se réunir. En second lieu, le contrôle est plus facile », conclut Jean Jaurès.
À cette époque, le député s’adresse, comme aujourd’hui, au « Bloc des gauches » au pouvoir et qui voulait porter atteinte au repos dominical. C’est tout comme s’il s’adressait à Emmanuel Macron en personne : « Ce n’est donc qu’à titre tout à fait exceptionnel que la loi prévoit ou que le repos sera fixé un autre jour que le dimanche ou qu’il sera assuré par roulement. Élargir cette exception , en faire la règle, c’est aller contre l’esprit et la lettre de la loi, c’est en détruire l’essence même ; c’est morceler et disperser à l’infini le repos des salariés ; c’est le dépouiller de toutes les joies de la vie commune et des garanties d’un contrôle aisément exercé ». Un texte qui n’a, hélas, pas pris une ride. Il aura donc fallu attendre 2015 pour qu’un gouvernement dit « socialiste », issus de la SFIO de Jaurès, mette à sac le repos dominical des travailleurs. Le tout avec un ministre de l’économie royaliste. Pauvre Jaurès !
Elle n’est pas si lointaine la période où le Parti « socialiste » s’opposait encore à la banalisation du travail du dimanche. En 2009, sous Nicolas Sarkozy, le PS jugeait cet amendement comme « inefficace sur le plan économique », « dangereux pour les salariés » et « néfaste pour la vie sociale ». Comme les temps changent ! A cette période Philippe Saurel était encore élu et responsable PS, mais il semble que ce dernier ait oublié cette portion du programme qu’il défendait hier. Cela ne l’empêche pas d’usurper encore et toujours le nom de Jaurès. « Je suis socialiste, tendance Jean Jaurès. Pas Cambadélis », disait-il récemment. Ses choix politiques prouvent tout le contraire.
hélas les sociaux-démocrates de tout poil ont adhéré au libéralisme effrené. ils sont en train d’abandonner la rose, mais ils nous laissent les épines. comme je refuse les réseaux pseudo-sociaux, je n’ai pas pu poster un commentaire.
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