À partir du 1er janvier 2016, du changement s’opère dans le domaine de l’eau sur toute la métropole de Montpellier. Suite aux votes des élus, une régie publique de la distribution de l’eau va débuter dans 13 communes de la métropole et ainsi occasionner une baisse minime de son prix. Côté assainissement en revanche, le changement n’est pas à l’ordre du jour et la multinationale Veolia conserve une bonne partie du butin. Contrats douteux, communication mensongère et impostures électorales, enfilez palmes et tuba, nous voici plongés de le marigot politique local, souvent imbuvable !
Pour Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, la création de cette régie publique est un véritable événement. À tel point que sur les réseaux sociaux un montpelliérain se demande : «quand le film « Régie publique des eaux » avec l’acteur star Philippe Saurel sort ? Non parce qu’il est partout en ce moment sur les panneaux d’affichage de pub, dans des brochures, même dans la bibliothèque à ma faculté !». À première vue le scénario fait pourtant rêver : le maire-président, rhabillé pour l’occasion en robin des bois des temps modernes, est censé bouter hors de la ville la firme Veolia et ses actionnaires cupides qui géraient l’or bleu depuis 26 ans. Durant ce temps, René Revol, maire de Grabels et vice-président à la cour de Philippe Saurel, est, en bon écuyer, chargé de redonner au peuple ce bien commun qu’est l’eau. Un beau synopsis de science-fiction.
Engagement disparu et régie au rabais
Lors de sa promotion en tant que vice-président de la métropole en charge du service public de l’eau et de l’assainissement auprès de Philippe Saurel, René Revol du Parti de Gauche (PG) expliquait ce choix en défendant un programme ambitieux afin de ramener l’eau dans le giron public. Ainsi, peu de temps après sa nomination, l’élu s’est confié au quotidien L’Hérault du jour : «Nous ferons la régie de l’eau dans les 18 mois et dans les 18 mois qui suivent, la régie publique d’assainissement», avait-il indiqué le 12 mai 2014. Face à Midi Libre le 30 avril 2015 , l’élu se fait déjà un peu moins précis : «Nous affirmons une volonté de faire passer l’assainissement en régie publique dans un délai raisonnable, durant le mandat». Le 9 mai 2015, René Revol confirme en informant L’Indépendant que le passage en régie de l’assainissement «est prévue à moyen terme». Le 19 mai le maire de Grabels renie un peu plus son engagement en annonçant à Midi Libre : «Nous n’avons pas les moyens de réaliser dès maintenant une régie pour l’assainissement». Aujourd’hui René Revol l’apparatchik le certifie, il n’a jamais parlé de toucher à l’assainissement. C’est en tout cas sans vergogne qu’il touche son indemnité à quatre chiffres chaque mois. Les usagers n’ont plus qu’à prendre un verre d’eau pour faire passer la pilule.
Ce qui est un reniement idéologique pour René Revol ne l’est pas forcément pour son patron, Philippe Saurel. En effet lors des élections municipales, le candidat exclu du PS ne s’était pas trop mouillé au niveau programmatique. Une de ses proposition portait justement sur la régie publique de l’eau : «Nous la mettrons en place sans attendre», pouvait-on lire sur le tract de celui qui est aujourd’hui maire. En ne mentionnant pas ce qu’elle contiendrait, Philippe Saurel ne prenait pas beaucoup de risques et faisait de cette régie un engagement facilement tenable. Au final, cette dernière ne comprend que la distribution de l’eau. Les montpelliérains devront donc se contenter d’une demie régie dont la portion est encore discutable. Comme nous l’avions déjà écrit, la régie de l’eau potable ne sera effective que dans 13 communes de la métropole sur 31, les autres étant dépendantes soit du Syndicat du Bas Languedoc (Lyonnaise des Eaux) soit du Syndicat Garrigues Campagne (Veolia). Voilà de quoi égratigner la propagande officielle de Philippe Saurel. Il faut dire que le terme «quart de régie publique», plutôt rabougri, n’a pas dû convaincre les communicants de la métropole. Comme à des canards pataugeant dans l’eau, ce sont pourtant bien des miettes qui nous sont distribuées.
Veolia l’insubmersible !
Le moins qu’on puisse dire c’est que le choix des prestataires pour les contrats d’assainissement de la métropole de Montpellier a fait couler beaucoup d’encre. Très vite un soupçon de favoritisme à l’égard de Veolia s’est installé dans la capitale héraultaise. Les premiers à monter au créneau ont été les concurrents directs de Veolia pour l’obtention de ces contrats, mais également certains élus sceptiques et la presse nationale. Sur les trois parts correspondantes à l’assainissement, deux lots seront finalement accordés à Véolia pour la modique somme de 110 millions d’euros sur 7 ans à compter du 1er janvier 2015. Petits problèmes, la multinationale en question en était déjà l’exploitante majoritaire et était au cœur de plusieurs critiques concernant ses méthodes de gestion. De plus, elle présentait les candidatures les plus onéreuses ! Il n’en pas fallu moins pour enflammer le conseil d’agglomération du 30 octobre 2014 qui devait statuer sur ces affaires. René Revol, en charge du dossier, a été sous le feu de nombreuses interrogations tandis que Philippe Saurel a préféré prendre ses distances : «Moi je ne mets pas les mains dans les commissions ni dans les commissions d’appel d’offres ni dans les jurys, je n’y participe pas, je n’y suis pas membre». Il a cependant précisé faire «confiance les yeux fermés aux choix du président de cette commission».
« J’ai été interpellée comme plusieurs d’entre nous, même alertée en fait, sur un recours éventuel sur la procédure qui a permis de désigner les prestataires auquel nous ferons appel […] sur l’agglomération de Montpellier. Certains concurrents émettent des réserves, voire contestent le fonctionnement de notre commission d’appel d’offres et comptent ester en justice », «comment se fait-il que le fonctionnement notre commission d’appel d’offres puisse être remis en cause ?», débute Anne Brissaud (DVD) dans l’hémicycle. Pour René Revol, président de cette commission, tout à été fait dans les règles et si la multinationale en question est plébiscitée, ce n’est que pour la qualité de son service, la préservation du patrimoine commun, la lutte contre les odeurs et son engagement en terme de développement durable, d’emploi et de prix.
Une énumération qui n’a pas vraiment convaincue les élus, à l’image d’Alex Larue (Les Républicains) pour qui les offres de Veolia sont bien plus chères que les autres tout en prouvant ses dires par a+b. Cyril Meunier (DVG), maire de Lattes et, de fait, premier concerné par les odeurs de la station d’épuration Maera, a, de son coté, « énormément de doutes sur la capacité à régler le problème des odeurs ». La seule et unique réponse de René Revol à ses remarques, sera d’inviter ses collègues à participer à la commission eau et assainissement pour en savoir plus. Une pirouette qui sera bien vite contrecarrée par Renaud Calvat (PS) qui « regrette les méthodes retenues pour analyser les offres », bien que siégeant dans la commission en question il déplore également l’absence « d’outils d’aide à la décision, d’analyse et de notation permettant de pondérer les critères de choix entre le prix, la gestion des odeurs ou la sensibilité des candidats aux questions environnementales ». Rien n’a l’air très clair.
Des contrats en eaux troubles qui n’ont pas manqué d’interpeller Le Canard Enchaîné pour qui « à Montpellier, les usagers l’ont saumâtre ». Dans ses colonnes du 29 octobre 2014, on pouvait lire que «l’ex-Générale des eaux (CGE) (Véolia, ndlr) continuera de gérer, pour sept ans, la station d’épuration et le traitement des eaux usées de 14 communes. Un second groupe privé, Alteau, héritera, lui de l’assainissement des eaux de 17 autres bourgades. Mais les deux contrats gagnés par Veolia font grincer des dents. Face à trois concurrents (Suez Lyonnaise, Saur et Alteau), son offre était la plus coûteuse. Ainsi pour la collecte des eaux usées, ses tarifs sont supérieurs de 24% à ceux de la Saur. Ce qui représente un supplément de 7,5 millions à la charge des usagers. Cet argument financier n’a pas pesé lourd». Le Palmipède en profite pour rappeler que les liens entre Veolia et Montpellier ne datent pas d’hier. « On ne pouvait pas chasser totalement le marchand d’eau de la ville », glisse un expert. En effet, « en 1989 : l’ex-CGE avait versé près de 20 millions de francs à différents intermédiaires, dont 8 millions à Gifco, bureau d’études du Parti communiste. Ce qui avait valu une condamnation pénale à un haut cadre de ladite CGE. En échange, les élus PC avaient laissé passer la privatisation de la flotte, en adoptant une « abstention vigilante » (sic). Les élus et les méthodes ont changé. Mais les usagers continuent de trinquer ».
Une baisse à la baisse

En 2015
La propagande ne laisse pas place au doute, « -10% sur le prix de l’eau en 2016 », affichent fièrement les magazines de la métropole et de la ville. Malgré la force publicitaire déployée et le copié-collé complaisant de la plupart des médias, cette baisse tant vantée est en réalité un mensonge. En 2015, le prix moyen de l’eau était de 3,49€ le m³ (sur une base moyenne de 120m³/an), tandis qu’en 2016 le prix de l’eau atteint 3,20€ par m³ sur une base identique. Entre ces deux tarifs il y a une baisse d’un peu plus de 8%. D’où sort donc le chiffre avancé par Philippe Saurel ? Pour calculer cette baisse du prix, la métropole se base sur la baisse du prix de l’eau potable (-11%) et celle de l’assainissement (-9%) qui amènent à une baisse globale dans les deux secteurs de 10%. En revanche la collectivité omet de prendre en compte les taxes de l’État, qui, même si elles diminuent de 2 centimes, ramènent la baisse finale à 8%. Parler de « -10% sur le prix de l’eau » est donc incorrect et relève de la duperie. Comme sur toutes les annonces commerciales, il faut aussi garder un œil sur les astérisques car, encore une fois, seules 13 communes de la métropole sur 31 jouiront de cette baisse sur l’eau potable. Ce -10% qui est en fait un -8% ne sera donc pas effectif sur tout le territoire.

En 2016
Si le chiffre de -10% a été choisi ce n’est pas seulement parce qu’ il s’agit d’un chiffre rond idéal pour marquer les esprit et éditer des affiches. Non, c’est surtout car il s’agissait d’une promesse du prédécesseur de Philippe Saurel à la présidence de la feu Agglomération de Montpellier, Jean-Pierre Moure (PS). Ainsi sur un vieux document de l’agglomération datant de septembre 2013 on peut lire : « - 10% sur le prix de l’eau en 2015. À partir du 1er janvier 2015, la facture d’eau des abonnés baissera de 10%. Une mesure phare qui permettra aux ménages à faibles revenus d’alléger la part de leurs dépenses consacrée à ce besoin vital et quotidien ». Jean-Pierre Moure y vantait déjà une baisse à 1,15€ le m³ d’eau potable tout en maintenant le service aux mains du privé, c’est pile le prix obtenu en 2016 mais cette fois en régie publique. En somme Philippe Saurel ne fait que marcher dans les pas de celui qui l’a précédé et avec un an de retard, pas de quoi festoyer !
Pour René Revol cette baisse tronquée équivalente à 30 euros par an, « c’est le prix d’une paire de chaussures au supermarché », pour mieux fouler au pied ses convictions pourrait-on lui demander ? « En moyenne la gestion privée est toujours de 25% plus chère que le coût de revient au m³ en régie publique », ce n’est pas Pas de roses sans épines qui le dit mais Gabriel Amard, également membre du PG, dans Le guide de la gestion publique de l’eau. Dans le même ouvrage, Odile de Korner, ancienne directrice d’EAU de Paris ajoute : « il est fréquent de constater, dans une DSP, que chaque abonné fait un « don » annuel à minima de 20€ (voir 80€ et plus) pour contribution aux bénéfices du délégataire : bénéfice qui se situe avec un pourcentage au-delà de 10% ». C’est dire si la baisse ainsi proposée aux montpelliérains à l’air ridicule. Une variation d’autant plus insignifiante qu’en prenant un peu de recul, on constate qu’entre 2011 et 2014 le prix global de l’eau (pour 120m³/an) sur Montpellier a augmenté de 12% ! La plus grosse progression ex-aequo avec Toulouse parmi les dix plus grandes villes françaises d’après l’étude de France Libertés et 60 millions de consommateurs. Une diminution des tarifs était donc la moindre des choses. Mais même avec cela l’évolution du prix de l’eau entre 2011 et 2016 est de +6%, la baisse serait-elle une hausse atténuée ? Question de point de vue.
Après les effets d’annonce, il faut bien se rendre à l’évidence : la régie publique de l’eau potable n’est que parcellaire et, en ce qui concerne l’eau usée, Veolia est loin d’avoir dit son dernier mot. De plus, la baisse des prix n’est pas à la hauteur des espérances, pire, elle est égale à celle prévue par les anciens tauliers de la métropole et avec l’aide du secteur privé. Il y a mieux comme changement de gouvernance ! On entend déjà Philippe Saurel dire qu’il faut garder une part pour l’investissement, et il aura bien raison. Avec 20% de fuites sur le réseau, une grande station d’épuration émanatrice d’odeurs et d’eau non-traitée dans la Méditerranée, il y a de quoi faire des travaux. C’est presque à en oublier que cette tâche incombait depuis des années au délégataire Veolia, qui pour son inaction volontaire se voit offrir deux nouveaux contrats juteux d’une centaine de millions d’euros. À la vôtre, tchiin !
ya quand même une chose positive.
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Super GS >
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