Le collège des Aiguerelles contre le passage à l’heure d’austérité !

Hier soir, les parents d’élèves et les enseignants du collège des Aiguerelles de Montpellier étaient rassemblés pour leur quatrième assemblée générale. À la majorité, ils ont voté la poursuite du blocage entamé le 16 mars dernier. Tandis que la solidarité s’organise pour assurer le suivi scolaire des enfants, de son côté, Madame le Recteur reste droite dans ses bottes pour poursuivre le saccage de l’éducation publique. D’ailleurs, les services de l’académie et la direction du collège ont offert un happening de fin d’AG en s’enfermant dans un bureau pour tenter de briser le mouvement. Retour sur un conflit symptomatique de l’austérité imposée à l’éducation.

IMG_5606Derrière le portail, les collégiens jouent au ballon. L’ambiance est détendue et familiale ce mardi soir à quelques minutes d’une nouvelle assemblée générale. Leurs parents discutent quelques mètres devant sous les banderoles annonçant « collège mort ». Dans la bonne humeur et siglés de leurs autocollants « parents en colère », ils font le point de la situation. Le Recteur reste sourd aux revendications et les politiques, après avoir fait leur danse du ventre électorale, ne manifestent plus aussi visiblement leur soutien. Plus de cents gamins, parents et enseignants prennent part à cette quatrième AG. L’objet de leur courroux ? La dotation horaire attribuée au collège pour la rentrée scolaire prochaine revue à la baisse avec en ligne de mire l’impact sur les élèves les plus en difficulté.

0 + 0 = la tête au Recteur

Comme chaque année, l’académie distribue aux établissements leurs dotations en heures, desquelles découlent les moyens humains, les matières, les projets pédagogiques, etc. Pour les Aiguerelles, le rectorat prévoit une dotation totale de 501 heures pour l’année 2015/2016. Pour sortir ce chiffre, le Recteur Armande Le Pellec Muller se base sur des prévisions d’effectifs. Mais il semble que les maths ne soient pas son fort. Ainsi, en février 2014, l’académie comptait 459 élèves et en prévoit 409 à la rentrée de septembre 2015. D’après ces chiffres, il y aurait donc une perte de 50 élèves.IMG_5593

À y regarder de plus près, ces chiffres laissent à désirer. Posons le problème. Sachant qu’un élève entre en 6ème, il y a de fortes chances qu’il passe en 5ème l’année suivante. Il en va de même pour ses petits camarades des niveaux supérieurs. Mais pour l’académie, des élèves s’évaporent aux passages à niveaux. Effectivement, on ne les retrouve ni redoublant ni au niveau supérieur. C’est ainsi que le collège perdrait 10 élèves entre la 6ème et la 5ème ; 8 élèves entre la 5ème et la 4ème ou encore 6 élèves entre la 4ème et la 3ème. Soit un total de 24 élèves qui, comme par magie, disparaissent dans le chapeau du Recteur.

Cette tambouille mathématique entre en contradiction avec le procès-verbal du conseil d’administration de l’établissement du 4 novembre 2014. Il est effectivement noté qu’il y a un effectif réel de 434 élèves. Au regard de cet effectif actuel, l’effectif prévu pour la rentrée est de 420 élèves. Le calcul est simple : il s’agit de reporter le nombre d’élèves par niveau, au niveau supérieur tout en prenant les petits nouveaux de 6ème au chiffre identique à celui du prévisionnel du rectorat. Avec cette formule, il y a une perte de seulement 14 élèves. Alors, pourquoi le rectorat a-t-il intérêt à faire baisser les effectifs de 50 élèves plutôt que de 14 ? C’est que la dotation horaire baissera d’autant. Pour rentrer dans les clous de l’austérité imposée par le ministère de l’Éducation nationale, l’académie de Montpellier n’hésite pas à gonfler les effectifs de 2014 et sous-estimer ceux de 2015 pour annoncer une plus grosse baisse d’élèves, soit une plus grosse baisse d’heures même si ça ne correspond en rien à la réalité.

La politique du chiffre

En termes de dotation horaire globale (DHG), en s’appuyant sur son chiffre erroné d’effectif, l’académie veut sucrer 55 heures. Les parents et les enseignants ne demandent pourtant pas la lune ! Au lieu des 501 heures prévues par l’académie, ils ont besoin de 535 heures pour assurer au mieux leurs missions dans les sections européennes, internationale, le bilangue, le latin, etc. Le Recteur oppose qu’elle laisse la même marge globale de 17 heures. Une marge qui est déjà utilisée pour 6 heures de remédiation en 3ème, 4 heures d’expérimentation scientifique en 3ème, 6 heures de soutien en 6ème et 1 heure d’accompagnement éducatif. Le résultat est clair pour le personnel des Aiguerelles : faire autant avec moins.

« Le problème est simple », écrivent conjointement parents et enseignants dans un document. « On nous retire les heures nécessaires au bon fonctionnement de notre collège, nous sommes obligés de supprimer des dispositifs en septembre. Les parents qui ont inscrit leurs enfants dans des sections, classes, options sont trompés et déçus car à la rentrée tout ce qui était en place cette année ne pourra être reconduit. »

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Qualité – Solidarité – Mixité

Pourtant le collège des Aiguerelles est un bel exemple de réussite. Ainsi, depuis 2011, il a est labellisé E.T.O.I.L.E (Excellence, Talent, Ouverture, International par les Langues Étrangères) qui récompense les établissements engagés dans les échanges internationaux. « C’était même valorisé par le recteur précédent ! », raconte un professeur. « On a même quatre élèves du Petit-Bard qui veulent venir ici ! », s’enorgueillit un collègue qui démontre-là la mixité sociale effective. Cela a été possible grâce à l’acharnement d’une professeure d’allemand qui a mis en place un partenariat renforcé avec le centre culturel allemand Heidelberg du nom de la ville allemande jumelée avec Montpellier. Ainsi, les classes européennes anglais et allemands sont un point fort du collège. Personne ne comprend alors pourquoi casser un si bel outil d’éducation ? « Le collège est même en avance sur la circulaire de la ministre de l’Éducation nationale relative au « collège 2016 », explique une maman.

En attendant que le rapport de force leur soit favorable, les parents et les enseignants organisent la solidarité pour que les enfants suivent les cours pendant le blocage. Chaque matin, les professeurs restent disponibles devant le collège pour diffuser les leçons. Par exemple, le 30 mars, sont venus « plus de 60 élèves de sixième, une quarantaine de cinquième, une quarantaine de 4è et 3è », constatent les adultes. Pendant l’AG, des parents se sont même proposé pour assurer du soutien scolaire sur leur temps libre.

Le débat en otage

Profitant de l’AG, Monsieur Thieffaine, directeur de cabinet du Recteur, Madame Lopez, principale du collège, accompagnés, entre autres, d’intrigants personnages de l’équipe mobile académique de sécurité (EMAS) se sont enfermés dans le bureau de la principale. Pour les parents et les professeurs, la méthode est claire : casser le mouvement en squattant les lieux.

Un personnage intrigant de la police académique

Un personnage intrigant de la police académique

Une avocate de la FCPE est immédiatement contactée pour savoir comment agir. Une situation qui appelle à se demander qui sont réellement les enfants ? « Mais maman, la directrice elle ment ! », constate une collégienne. Et sa mère de répondre, gênée aux entournures : « oui, elle ment ! ». La propagande de l’académie voulant faire croire à une manipulation des parents par de vils enseignants dans ce mouvement de blocage tombe à l’eau. Dans cette histoire, les manipulateurs ont décidé de se renfermer dans un bureau plutôt que d’entamer un débat de fond dans une assemblée générale. Au final, la joyeuse troupe de parents et de profs qui n’ont jamais été aussi nombreux ce soir-là signifient aux intrigants qu’ils ont toute liberté pour sortir quand bon leur semble.

 

À l’heure où sont écrites ces lignes, le blocage du collège des Aiguerelles se poursuit jusqu’à vendredi prochain. Le collège Croix d’Argent de Montpellier est entré dans la danse en bloquant lui aussi ses portes. Effectivement, loin d’être isolé, le combat des parents en colère des Aiguerelles trouve un écho tout particulier au milieu de cette cure d’austérité généralisée. Ils aspirent à la continuité d’un véritable service public assurant l’égalité de tous. L’éducation des enfants n’est pas négociable. Comme les parents le disent justement : halte à « la fonte des classes » et « rendez-nous nos heures » !

4 réflexions sur “Le collège des Aiguerelles contre le passage à l’heure d’austérité !

  1. Hallucinant de Clarté !!! Vous avez tout compris et très bien retranscrit les évènements !!!Merci messieurs de la part des parents , enfants et professeurs des Aiguerelles !!!MERCI

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  2. Bonjour,
    Merci pour la clarté des explications. Ce n’est pas facile d’expliquer le mécanisme de la DGH « dotation globale horaire ».

    Il y a le même problème au collège de Jacou. Je vous invite à signer ces deux pétitions, l’une pour le collège de Jacou
    http://www.petitions24.net/dhg_jacou

    Et celle de la FCPE départementale
    https://www.change.org/p/madame-le-recteur-de-l-acad%C3%A9mie-de-montpellier-non-aux-dhg-sacrifi%C3%A9es-dans-l-h%C3%A9rault

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  3. Oui, de la bonne et belle info !! quoique, « belle » n’est peut-être pas le terme approprié ??

    Mais cette équipe des Aiguerelles est bien mal payée de sa constance, elle n’a jamais failli à son dévouement et à son volontarisme, depuis 25 ans que nous la connaissons, et quels que soient les mouvements de personnel.
    Par contre, la grande passivité des élus départementaux, et du PS gouvernemental, est elle aussi un problème récurrent, et qui montre que la « carte » des établissements et des options n’est absolument pas du ressort des autorités attributaires (le Département, ou le CA du collège), et que la gestion centralisée, manipulatoire et comptable de l’Education marque l’époque.
    Seule (maigre) consolation : la FCPE des Aiguerelles s’affranchit nettement de la FCPE de l’Hérault (ou même parvient à la secouer, et à lui faire relayer avec d’autres sections de collège, de plus en plus radicalisées, des revendications et des actions plus résolues) ; on a connu de (bien trop) longues années de FCPE inféodée au PS « pour que rien ne bouge », où tout le monde finissait pas scier la branche de l’école républicaine et intégratrice… sans empêcher dans ces cercles et ailleurs, les « bons esprits » de plaider pour ses vertus, lorsqu’il faut « defendre » (sic) la laïcité, la liberté d’expression, l’égalité des chances…. pour s’évanouir dans la nature dès qu’il faut conduire une politique et la doter de moyens sanctuarisés !

    L’inconséquence çà suffit !

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    • Au delà des calculs mathématiques d’effectifs…
      En tant que simple parent d’élève, je suis exaspéré : 30 ou 27 élèves dans une classe ne changera rien pour mon enfant, je le reconnais, par contre si l’on supprime une classe entière pour ces raisons là, c’est injuste !! D’ailleurs il n’y a pas de débat aucun parents ne souhaite des classes à 30 élèves, des classes allégées c’est l’idéal pour nos enfants.
      Pour le collège des Aiguerelles, les options en périls ont permis d’attirer les « bons » élèves au collèges, et d’améliorer la qualité de l’enseignement, alors pourquoi revenir en arrière…. ?

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