Élections régionales : les pauvres citoyens !

Chaque liste pour les élections régionales en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon est actuellement en négociation interne avec ses partenaires pour répartir les candidats. La lutte des places prend le pas sur le fond politique, lequel n’est pour l’instant pas véritablement mis en avant par les têtes de liste. À moins de trois mois du premier tour, la campagne promet d’être une bagarre de communication évacuant les vrais enjeux du territoire fusionné. Pourtant, la pauvreté et ses conséquences font partie des thèmes primordiaux dans la conjoncture actuelle. Pas de roses sans épines ! décortique la vie sociale de la nouvelle région.

thumb_IMG_4482_1024La campagne électorale des régionales promet d’être rapide et, dans ce contexte, les programmes risquent de ne pas être au cœur des débats, ce qui éviterait ainsi aux candidats de porter des engagements forts. Il est à craindre que tout se déroule comme les dernières élections départementales où nous écrivions : « Le manque de fond politique ne va pas mobiliser en masse des citoyens déjà largement atterrés par leurs représentants. Pour cette élection, surtout, ne demandez pas le programme ! » Avançons donc les dossiers, à nos yeux essentiels, dont devraient se saisir les candidats ancrés dans leur territoire : la pauvreté, le chômage et l’emploi.

Midi-Pyrénées / Languedoc-Roussillon : la Belle et le Clochard

En juin dernier, l’INSEE a livré une étude importante portant sur la pauvreté dans la nouvelle région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon (MPLR) (Insee Analyses Languedoc-Roussillon – n°11, juin 2015 – Roger Rabier). Et le constat est d’abord cinglant pour le Languedoc-Roussillon :« en 2012, les habitants du Languedoc-Roussillon vivent en moyenne avec un niveau de ressources inférieur à la plupart des autres régions métropolitaines. Le chômage plus prégnant ainsi qu’une plus forte part d’inactifs, notamment de retraités, expliquent cet écart. » L’INSEE explique même qu’ « un languedocien sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. » Sur la première marche de la pauvreté, on retrouve les familles monoparentales et les personnes seules. Les territoires les plus concernés sont les communes isolées même si « la pauvreté est aussi très présente dans les villes-centres des grands pôles urbains. » Les espaces urbains du Languedoc-Roussillon sont plus touchés par le phénomène que ceux de Midi-Pyrénées.

Cette fusion, c’est un peu l’alliance de la Belle (Midi-Pyrénées) et le Clochard (Languedoc-Roussillon). Ainsi, « en dépit de ressources supérieures en Midi-Pyrénées, la distribution des niveaux de vie dans la future région Languedoc-Roussillon- Midi-Pyrénées (LRMP) est plus proche de la moyenne nationale mais toujours en deçà », analyse l’INSEE. La moitié des ménages de la nouvelle région vit avec moins de 1 575 euros par mois, ce qui correspond au troisième niveau de vie médian le plus faible parmi les treize futures régions ! LRMP passe même devant la Corse et le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Un sacré palmarès ! Rappelons qu’en France, le revenu médian est de 1 650€. Pour l’INSEE, la conclusion est claire : « l’union des deux régions ne permet pas de compenser totalement les écarts avec la France de province. »

Le Languedoc-Roussillon est un territoire pauvre où « près de 30 % de la population dispose d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (990 € par mois) » avant redistribution des prestations sociales. Ainsi, les 10 % des ménages les plus modestes, soit les plus pauvres des pauvres, déclarent 485 € de revenus par mois et disposent d’au plus 769€ après redistribution (prestations sociales et politique fiscale), (Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012). En 2012, le taux de pauvreté s’élevait à 20%, « le deuxième taux le plus fort » de France. En Midi-Pyrénées, la pauvreté s’élève à 14% ce qui se rapproche de la moyennes des régions. « Dans la cadre de la nouvelle région, il serait de 17 % en LRMP, soit le 4e plus fort taux parmi les 13 nouvelles régions métropolitaines derrière ceux de la Corse, du Nord-Pas-de-Calais-Picardie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur », poursuit l’institut public.

Qui et où sont les pauvres ?

Être pauvre n’est pas une fatalité mais bel et bien un état aux origines sociales. Et l’INSEE analyse les familles monoparentales comme « les plus touchées par la pauvreté ». Bien généralement, elles sont constituées d’une femme seule avec enfants, des « ménages (qui) sont non seulement plus fréquents dans la région (Languedoc-Roussillon, ndlr) mais ils y sont aussi plus souvent en situation de précarité. » Là encore, le Languedoc-Roussillon décroche un triste thumb_IMG_4094_1024record en étant « la deuxième région pour la pauvreté des familles monoparentales, après le Nord-Pas de Calais », tient à préciser l’INSEE. Les familles monoparentales représentent tout de même 1/4 des ménages de la région sous le seuil de pauvreté !

Une autre catégorie importante de la pauvreté est les jeunes pour qui  » la situation (…) en France s’est dégradée au cours des dernières années », explique à AlterEco+ (30/03/15) Antoine Dulin, membre du groupe « étudiants et organisations de jeunesse » du Conseil économique, social et environnemental (Cése). Ce dernier explique même que « la précarité est devenue une norme d’entrée dans la vie active » et que « les dégradations des conditions de vie des jeunes ont en outre pour effet qu’un jeune sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. » Les jeunes fortement présents à Toulouse et Montpellier subissent donc de plein fouet la conjoncture.

La liste de leurs conditions de vie semble sans fin : en France, « 40 % des personnes qui ont recours au numéro d’urgence du 115 ont moins de 25 ans », « un quart des jeunes de 18 à 25 ans sont au chômage », « 10 % des jeunes n’ont pas de complémentaire santé », « 27 % des étudiants renoncent à des soins, souvent pour des raisons financières, ce qui peut être grave dans le cas de maladies chroniques », énumère Antoine Dulin. Avec un tel constat, le rapport des jeunes au politique est déplorable : « Lors du premier tour des élections départementales, nous avons été confrontés à un taux d’abstention très élevé, de 48 %, qui a atteint 64 % chez les moins de 25 ans ! Laisser les jeunes galérer, c’est faire le terreau de ce désinvestissement civique qui peut représenter pour notre pays une véritable bombe à retardement », conclut Dulin.

Insee-Pauvreté-LR-MP

Concernant le Languedoc-Roussillon, la pauvreté est plus fréquente dans les communes isolées hors de l’influence des villes. Pour ce qui est de l’espace urbain, la pauvreté se concentre dans les pôles urbains (22% en moyenne) plus que dans leurs couronnes (15%). Les villes centres détiennent les records à l’image de Béziers où le taux de pauvreté atteint les 32%, « taux le plus élevé parmi les villes-centres des grandes aires urbaines de France métropolitaine » ! Pour ce qui est de l’aire urbaine de Beaucaire, elle « connaît le plus grand taux de pauvreté (29 %) parmi les 230 grandes aires urbaines de France métropolitaine ». Béziers, Beaucaire, des terrains de jeu pour le Front national qui profite d’une situation désastreuse pour mener sa conquête du territoire. Une donnée à ne pas minimiser quand on note que « huit grandes aires urbaines du Languedoc-Roussillon se situent parmi les 20 grandes aires métropolitaines les plus touchées par la pauvreté : Beaucaire, Béziers, Bagnols-sur-Cèze, Alès, Perpignan, Nîmes, Narbonne et Carcassonne. » Pour leur part, les aires urbaines de Montpellier et Toulouse affichent respectivement 17% et 12% de taux de pauvreté.

Insee-Pauvreté-aires-urbainesEn conclusion pour la nouvelle région, l’INSEE note que « la pauvreté demeure prégnante dans les couronnes et banlieues des villes languedociennes. Sur l’ensemble de la nouvelle région, elle touche fortement les zones rurales les plus éloignées des grands centres d’emploi. Toulouse, qui étend son influence sur une vaste zone, permet à un territoire très étendu d’être relativement protégé des phénomènes de précarité. C’est beaucoup moins le cas pour l’aire d’influence de Montpellier. » Les candidats aux régionales vont-ils jouer l’autruche en s’enfonçant la tête dans le sable mouvant de la pauvreté ? Ou peut-être vont-ils dégainer de leur chapeau de grandes idées sur la redynamisation de l’emploi en appelant de leurs vœux le développement de secteurs en vue tel le numérique. Une fausse bonne idée.

L’emploi public remède au chômage de masse

La métropole de Montpellier se déclare territoire numérique en affichant ostensiblement sa « French Tech » après avoir décroché le label du même nom. Les élus de la métropole gonflent leurs petits muscles en affichant : « 1 100 entreprises dans le numérique, 11 000 emplois, 6% des emplois salariés, 180 éditeurs de logiciels métiers, 60 entreprises du jeu vidéo et création numérique », (dossier de presse – 13/02/14). La communication se veut moderne en faisant référence à la Silicon Valley américaine. Le numérique ? C’est l’avenir de nos territoires, emplois compris. Mais la communication bling-bling ne résiste pas un gigaoctet à la réalité !

Ainsi, AlterEco+ s’est demandé quels étaient les cinq plus gros employeurs dans chaque département ? Et ce qui fait vivre nos deux régions n’a rien de virtuel. Hormis la Haute-Garonne trustée par Airbus Opérations à Toulouse, premier employeur du département avec 23 621 salariés, tous les autres départements de la nouvelle région comptent leurs plus gros employeurs dans le secteur public. Dans l’Hérault, on retrouve le CHU de Montpellier (10 759 salariés), le Conseil départemental (5 459), La Poste (4 394), la commune de Montpellier (4 270) et le Conseil régional (3 190). Une donnée d’autant plus vraie pour les territoires ruraux. À l’instar de l’Ariège qui compte, en tête, le Conseil départemental (2 800), le centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège (1 383) et le centre hospitalier Ariège Couserans (939).

Le constat d’AlterEco+ est sans appel : « les principaux employeurs se ressemblent d’un département à l’autre. Ils sont très majoritairement publics. Géants parmi les géants, les 32 hôpitaux universitaires arrivent toujours en tête des plus gros employeurs dans les départements où ils sont installés. » C’est donc « l’action publique (qui) est un moteur essentiel de l’activité économique locale ». Arrive ensuite le tissu de PME (petites et moyennes entreprises) « et leur poids et d’autant plus important que les départements sont peu peuplés », indique le média en ligne qui cite le cas de la Lozère avec « Présence rurale et ses 322 employés » qui est l’un des cinq premiers employeurs du département rural. Le public garant des services publics de proximité reste donc le secteur qui est le plus grand employeur de la région. Cela constitue de l’emploi local, non délocalisable et répondant qui plus est à des missions d’intérêt général (infrastructures, services à la personne, action sociale, transports, éducation, etc.). La presse locale a alors beau jeu de mettre régulièrement en avant les grands patrons à l’image des montpelliérains Louis Nicollin (ramassage des ordures ménagères et nettoyage) ou Mohed Altrad (matériel pour le bâtiment). Comparés aux collectivités, ils n’emploient au final pas tant de personnes, ce qui ne les empêchent pas d’aligner des fortunes considérables.

 

De son côté, l’État a décidé de baisser ses dotations aux collectivités locales de 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017. Cette austérité marque le début d’un cercle vicieux qui s’entortille autour des citoyens les prenant à la gorge. Comme l’a déjà démontré l’Institut syndical européen en 2013 : « les pays touchés par les politiques d’austérité sont aussi ceux dont les salaires ont le plus chuté », explique L’Humanité (30-07-13) titrant : « En Europe, l’austérité fait exploser la pauvreté ». Dans ce contexte, la force publique doit rester ancrée sur les territoires en souffrance comme c’est le cas en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon. La région étant devenue l’axe central de la nouvelle réorganisation territoriale du pays, les candidats aux élections ont intérêt d’affûter leurs programmes afin de faire sortir par le haut les plus précaires de leurs électeurs. Mais ni la pauvreté ni le chômage n’ont fait de fringants arguments de campagne. Pour le moment, l’électeur attentif reste sur sa faim programmatique, les états-majors des partis semblant plus concentrés sur la répartition des places sur les listes qu’à défendre un réel programme dans un contexte plus que contraint. Et ces listes qui s’autoproclament « citoyennes », auront-elles leur quota de bénéficiaires du RSA et de chômeurs longue durée ? Un coup d’œil rapide sur le CV des candidats laisse penser que non. Les pauvres citoyens !

4 réflexions sur “Élections régionales : les pauvres citoyens !

  1. Bonsoir,
    même si je comprends qu’il y a à redire, le programme est quand même pour l’instant l’essentiel de ce qui est mis en avant pour le liste du « Projet en commun », me semble-t-il…
    Puisqu’à part le projet, justement, il ne semble pas y avoir de « nom » mis en avant (même si on a bien compris que G. Onesta serait probablement la « tête » de liste…)
    Me tompè-je?

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    • Bonsoir,

      il est prévu très prochainement, un article s’intéressant de plus près au « projet en commun » pour montrer les abus que l’on peut facilement opérer avec le terme « citoyen ». Personnes, distribution par partis, têtes de listes départementales, choix des personnes de la « société civile », en vérité de nombreuses choses semblent déjà fixées d’après les documents internes, quant au programme il apparaît déjà fluctuant en fonction des formations politiques.

      Pour ne pas rater l’article qui va arriver dans la semaine vous pouvez vous abonner au site avec votre courriel.

      Bonne soirée,

      Hugo Daillan.

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  2. merci à Nicolas, et votre équipe pour cet article,
    je me suis investie pour ma part à défendre les valeurs et principes de Nouvelle Donne, qui proposera des listes vraiment citoyennes…( … sans accord politique douteux) pour les régionales ; et nous n’avons pas à ce jour réuni les 184 candidats nécessaires pour déposer notre liste !  »
    Ensuite, sur la base de nos valeurs, de vos connaissances et propositions, viennent les clés pour l’action locale et régionale. J’espère que nous aurons quelques représentants pour porter des projets concrets.
    J’en ai déjà plein qui germent, et par exemple :
    partir d’une des force de notre grande région, son climat, le soleil, ses reliefs, etc… pour relever ce défi : être la 1ère région autonome en énergie, énergie 100% renouvelable, en 2021. (Pourquoi 2021, parce qu’il y a urgence climatique et sociale).

    et du même coup faire en sorte que dans notre région soient construits les éléments et composants solaires pour équiper au plus près les installations privées, les communes,etc…. eh oui ! Il faut aujourd’hui importer les panneaux d’ Europe ou ailleurs, alors que nos 2 régions réunies ont des pôles de compétence Hi tech.

    Le Conseil régional fonctionne un peu à la façon d’une grande banque qui prête et n’attend pas d’être remboursée par de l’argent, mais plutôt par du bien-être, de l’emploi,…
    Il faut aussi refuser d’octroyer les marchés publics, les aides, à des entreprises qui pratiquent des écarts de salaire indécents, reste à définir ce qui est indécent, ou acceptable… votre avis ?

    Après le célèbre  » pas de bras, pas de chocolat ! « ,
    je pense ainsi :
    Pas de Justice sociale, pas de subvention !
    Même regard sur les aides aux collectivités …
    Donc plus qu’un programme, il me semble que ce sont nos valeurs qui nous conduisent à des solutions pour l’emploi, pour le climat, et il n’y a pas de petite réponse selon moi

    Bonne soirée,
    amicalement
    Danie

    Nouvelle Région ? … Nouvelle Donne, avec vous !
    qui suis-je :
    http://lamaisonruche.overblog.com
    http:://www.educationcaninedouce.com

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