Manifestation pour l’occitan à Montpellier, une langue électorale bien vivante !

Les élections régionales 2015 approchent, et nombreux sont les candidats à voir la victoire des indépendantistes catalans en Espagne de septembre dernier comme un exemple. Même si la situation est très différente dans la région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, ce scrutin a permis de montrer la capacité de mobilisation des régionalistes, si bien que l’élection locale s’est transformée en un référendum pour ou contre l’indépendance de cette autonomie espagnole. Ici rien de tout cela mais la présence d’une niche occitaniste galvanisée par ce résultat voisin et donc prête à voter en masse dans la nouvelle grande région n’a pas laissée indifférents les prétendants à la tête du conseil régional. Alors que l’abstention s’annonce une nouvelle fois très élevée et que les mouvements politiques peinent à mobiliser, chaque communauté capable de créer une dynamique et de rapporter des voix fait office de pépite pour les différentes têtes de listes. Pour elles, l’événement à ne pas manquer était la grande mobilisation pour l’occitan du 24 octobre dernier à Montpellier. Comme on pouvait le prévoir, tout le gratin était présent.

Montpellier, capitale de l’Occitanie ?

La Charte européenne des langues régionales devant être examinée par le Sénat fin octobre, bretons, alsaciens, basques, corses, mais aussi occitans ont foulé le pavé un peu partout dans le pays le 24 octobre pour faire entendre leur voix. C’est à Montpellier que les occitanistes se sont rassemblés dans une manifestation organisée par la coordination « Per la lenga occitana ! » soutenue par une cinquantaine d’associations et composée de l’Institut d’Estudis Occitans et de la Confederacion Calandreta. Leurs revendications sont claires : « un service public de radio et de télévision en langue occitane », « une politique spécifique en faveur de l’édition, du théâtre, du spectacle vivant en général, du cinéma et de la musique », « que tous les établissements scolaires offrent à tous les niveaux la liberté de choix pour chacun d’un enseignement » ou encore « l’encouragement à l’utilisation de la langue occitane dans les lieux publics et dans la vie sociale ». L’occitan fait partie des langues classées « en danger sérieux d’extinction » selon l’UNESCO, il était donc temps de réagir. Pour cela la coordination invitait « les élus à s’engager et à venir à Montpellier le 24 octobre », tout en précisant qu’« à quelques semaines des élections régionales. Ce n’est donc pas par hasard que cette date a été choisie ». Les 30 000 personnes présentes à Toulouse en 2012 pour soutenir l’occitan étaient encore dans toutes les têtes mais c’était sans compter l’irruption de la lutte électorale pour le conseil régional à l’intérieur du cortège occitaniste. La coordination a eu beau inviter également les citoyens et « tous ceux qui considèrent que la République doit reconnaître sa diversité », seules 6 000 personnes ont finalement fait le déplacement.

Philippe Saurel l’Oc’pportuniste

Seul maire de la région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon à conduire une liste pour les prochaines élections, Philippe Saurel n’a pas dû hésiter très longtemps avant d’accepter la tenue de cette mobilisation à Montpellier. Une occasion en or de se mettre en avant. D’ailleurs le baron nostalgique de l’ancien comté de Toulouse a vu les choses en grand, quitte à faire passer à la caisse le contribuable. Panneaux publicitaires, oriflammes, banderoles, cartons d’invitation, police municipale pour encadrer l’événement, c’est sans doute cet investissement massif qui a convaincu les organisateurs de s’installer dans la ville. Du côté du staff de Philippe Saurel on devait attendre le gros lot, Simine Namdar, chef de son cabinet, jouant même le rôle de Mme Irma : « Montpellier capitale occitane ce 24 oct avec près de 30 000 pers mobilisées », prévoyait-elle sur Twitter six jours avant le jour J. « Ce qui me plait c’est la lutte, c’est à dire la conquête » (France 3 – 26/09/2015), disait de son coté l’édile qui tel un ancien noble consulte une oracle avant de partir en guerre.

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Pour autant le sort ne semble pas favorable au maire de Montpellier qui plonge à 6% dans le dernier sondage paru. Même le discours démagogique de ce fils spirituel de Georges Frêche n’a plus d’effet. « Mon cœur est occitan », avait pourtant sorti en pleine place de la Comédie ce professionnel du discours creux. Proche du non remboursement de ses frais de campagne (< 5%) Philippe Saurel s’est mis à offrir monts et merveilles aux occitanistes pour les flatter. Appel du pied au gouvernement pour ratifier la Charte européenne des langues régionales, création d’un énième label, l’OcTech, ou encore l’affichage de l’occitan dans le tramway. Après plus d’un an à la tête de la mairie, son cœur découvre l’occitan. Toute corrélation avec une élection à venir est purement fortuite, évidemment. Pourtant ses gesticulations ne feront pas oublier la très faible participation à l’événement. « Si les gens viennent en masse, c’est parfait. Si ça fait flop c’est tout le mouvement occitan qui aura pris un coup dans l’aile » (La Gazette – 22/20/15), prévenait Guy Barral, adjoint à la ville de Montpellier délégué à la culture occitane. Ce dernier oubliant de préciser que la récupération politicienne, que Saurel connait si bien, nuisait gravement à la mobilisation citoyenne et politique.

Carole Delga, vive l’Oc’stérité !

Carole Delga candidate pour les élections régionales (PS-PRG-MRC) ne s’est pas contentée d’amener son accent du midi bien prononcé à la manifestation. Celle qui se voit déjà « Présidente pour NOTRE SUD » était escortée d’une flopée d’élus encartés au PS. A tel point que Philippe Saurel a dû prendre la fuite se voyant dépassé par le nombre de ses anciens camarades « socialistes » : « Je préférais être aux côtés des chants polyphoniques béarnais plutôt que devant, avec les soupes à la grimace », aurait-il indiqué d’après Midi Libre (26/11/2015). Outre les rivalités entre le PS et ses satellites, Carole Delga a fait part de ses propositions pour la langue occitane comme tous les candidats avant la mobilisation. « Nous augmenterons le budget consacré à l’occitan mais en fonction des projets », a-t-elle assurée. Une position LocalDelgafumeuse pour cette ancienne secrétaire d’Etat d’un gouvernement austéritaire. En 2015 François Hollande et ses acolytes avaient déjà coupé le robinet à hauteur de 19 millions d’euros pour le Languedoc-Roussillon et 20 millions pour Midi-Pyrénées. En 2016 c’est la même restriction qui va normalement s’ajouter à la précédente, la fusion des régions prenant le rôle de fusion des baisses de dotation. Carole Delga peut bien faire des plans sur la comète, c’est une diète politique qu’elle cautionne. Mais pas d’inquiétude, lors de la distribution des miettes budgétaires, la langue occitane aura la sienne ! D’ailleurs, la candidate est tellement attachée à la cause occitane qu’elle a pris la poudre d’escampette en plein défilé pour inaugurer sa permanence montpelliéraine. Cette dernière était accompagnée de sa cour à écharpes tricolores, vidant un peu plus le cortège dégarni. Ayant le sens de la com’, la devanture du local de campagne arborait fièrement la croix occitane. Mais que feraient-ils sans devantures ?

Le double langage de Gérard Onesta

Depuis la victoire de l’indépendantiste vert Raül Romeva en Catalogne sous la bannière d’un rassemblement allant de droite à gauche, Gérard Onesta (EELV-FDG-POC) se prend à rêver. « La coalition indépendantiste « Junts pel si » menée par mon ami Raül Romeva arrive en tête dans les 2/3 des municipalités, dont Barcelone ! », se réjouissait-il sur Twitter le soir du vote. Désormais il mise tout sur le régionalisme en Midi-Pyrénées/AffichesOnestaLanguedoc-Roussillon : « Occitanie Catalogne, notre région en commun ! », c’est le slogan de sa liste Monde Novel (Nouveau Monde en occitan) qui affiche clairement les couleurs catalanes et la croix occitane sur son logo. L’élu régional peut aussi compter sur le soutien du Parti Occitan (POC), la « gauche écologiste occitane », alliée de longue date d’Europe Ecologie Les Verts. Malgré la communication c’est l’incohérence qui règne au sein de la liste Onesta. Pendant qu’il participait à la manifestation pour l’occitan, les cadres du Parti de Gauche (PG) membre du Front de Gauche, allié à Onesta, ont montré leur refus de voir ratifier la Charte européenne des langues régionales. Pour Danielle Simonnet coordinatrice nationale du PG, cette charte « remet en cause l’indivisibilité de la République », ajoutant que « les langues régionales sont déjà enseignées et respectées en France ». Pour Alexis Corbière, secrétaire national du PG, même son de cloche : « La ratification de la charte des langues régionales ouvre la boîte de Pandore à des revendications identitaires ».

Affiche2ndTourDans l’Hérault la représentante du Nouveau Monde n’est autre que Muriel Ressiguier du PG et ce jour là la candidate
n’était pas vraiment dans son élément et est restée en marge du défilé. Gérard Onesta s’est d’ailleurs bien gardé de marcher à ses cotés lui préférant la compagnie de sa rivale départementale sur la liste du PS, Virginie Rozière et de Carole Delga. La déambulation prenant un air d’affiche de second tour pour celui qui ne cache pas avoir programmé son ralliement au PS. Rien d’étonnant pour « Nouveau Monde«  qui à la base est un courant du Parti socialiste fondé par Jean-Luc Mélenchon, désormais leader du PG. Voilà qui devrait consoler Muriel Ressiguier !

Christophe Cavard en embuscade

Le député du Gard et candidat à l’élection régionale Christophe Cavard est la hantise de Gérard Onesta, cet ancien membre d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) est fort du soutien du Parti de la Nation Occitane (PNO) qui a décidé de le rejoindre dans son BienCommunpériple sur la liste « Le Bien commun ». Si Cavard est en concurrence directe avec Onesta, le PNO est dans la même situation vis à vis du Parti Occitan (POC), membre du Nouveau Monde. Dans son journal datant du printemps 2015, le PNO prévoyait déjà le ralliement du POC à la liste menée par EELV. « Pour les élections régionales de décembre prochain, on peut prévoir que le POC s’inscrira sans réserve dans la mouvance de la gauche française et en particulier qu’il s’alliera s’il le peut avec EELV ». Le PNO touchait également un mot à propos des motivations du POC qu’il juge « anti-démocratique » : « Il est vrai qu’il y a des postes en vue, si toutefois EELV ne prend pas une gifle électorale, et que le POC ne peut avoir de permanents que grâce aux subsides de EELV ». L’ambiance ne semble pas des plus chaleureuses dans le milieu politique occitan ! Le PNO ne faisant que confirmer ce que Pas de roses sans épines avait déjà mit en lumière en décortiquant un document interne d’EELV.

 

La cause occitane ne ressort pas grandie de cette mobilisation, pire, elle parait même amoindrie numériquement. Tandis que cette langue est en voie de disparition, la course politicienne n’a fait que masquer les enjeux qui l’entourent. Loin de se soucier du fond, les candidats ne font que surfer sur l’attention que cela pouvait leur apporter. Autre coup dur pour les occitanistes, le Sénat a rejeté la Charte européenne des langues régionales le 27 octobre. Avec ce vote, les limites du discours de Philippe Saurel montrent déjà le bout de leurs nez, le sénateur Jean-Pierre Grand (Les Républicains) présent sur la liste héraultaise du maire de Montpellier a voté contre la ratification de la charte malgré les belles paroles de l’édile montpelliérain. C’est d’ailleurs toute la droite qui s’est opposée au texte, voilà qui ne va pas aider leur tête de liste régional Dominique Reynié qui semblait déjà peu soutenu lors de son passage dans le cortège. Les régionalistes ne sont pas les seuls à réclamer une République qui tiennent compte de toute sa diversité, le jour de la manifestation occitane se déroulait l’Agora des quartiers populaires à Montpellier et le combat y était sensiblement le même. Pourtant peu de candidats s’y sont rendus. Faible médiatisation, abstention massive des quartiers, communautés divisées, sans doute pas assez rentable électoralement. Mais ne croyez pas que les candidats vont s’arrêter là, le soir même de la marche Philippe Saurel était devant la communauté protestante de la ville pour son traditionnel racolage électoral. Elle est belle la politique autrement !

Une réflexion sur “Manifestation pour l’occitan à Montpellier, une langue électorale bien vivante !

  1. Bravo Nicolas et Hugo pour votre article. Saisissant en effet. Et cette conclusion « elle est belle votre politique autrement ».
    Je suis encore au PG pour raison militante et conviviale. Mais si effectivement, il y a collusion avec le PS ensuite, ce sera évidemment sans moi.
    En attendant, si l’alliance de la carpe et du lapin peut aboutir à des mouvements comme Syriza et Podemos, ça permet quand même d’ouvrir les esprits en attendant mieux….
    En tout cas, bravo à vous de nous éclairer sur les arrières cuisines de nos « cadres ». Je suis à la CGT et le spectacle affligeant de dirigeants nationaux dessert gravement nos actions militantes. Pour autant, sur cette partie, abandonner, c’est aussi leur donner raison de continuer à se compromettre. Je veux rester une vigie mais en pleine conscience de mon manque de pouvoir pour exercer dignement cette mission.
    Merci de continuer à écrire. Passionnant et très fouillé à chaque fois.
    Cyrille

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